Critiques

Né en 1953, Mike Bidlo est un artiste américain qui a fait ses classes à Columbia et dans une université de l’Illinois. Il pratique la peinture, la sculpture et la performance. Mike Bidlo, considéré comme un artiste post moderne, a bâti sa carrière sur la « re » création et l’appropriation des œuvres d’autres artistes, reproduisant le travail de chacun. La particularité des reproductions de Bidlo c’est qu’elles cherchent à imiter précisément, exactement, l’image, l’échelle et les matériaux de leur source. D’autre part, Bidlo ne travaille pas à partir de l’original de l’œuvre, mais à partir de reproductions de l’original, ce qui rend ses pièces deux fois retirées de leur matériel source.
Mike Bidlo est un artiste qui appartient au courant que l’on nomme appropriationniste (artistes apparus au début des années 80 qui misent sur la prise de possession par la copie des œuvres d’autrui.) C’est un mouvement qui reste informel (on n’a pas de manifeste) mais qui a tout de même un objectif : la remise en cause des notions d’ « auteur », d’ « originalité », de « nouveauté », si chères à la Modernité. Pourquoi le travail de Bidlo est moins politique, comme il le pense, que réflexif, voir métaphysique ?
Born in 1953, Mike Bidlo is an American artist who studied at Columbia and at a university in Illinois. He practices painting, sculpture and performance. Mike Bidlo, considered a post-modern artist, has built his career on the « re » creation and appropriation of the works of other artists, reproducing the work of each. The peculiarity of Bidlo’s reproductions is that they seek to imitate precisely, exactly, the image, the scale and the materials of their source. On the other hand, Bidlo does not work from the original of the work, but from reproductions of the original, which makes his pieces twice removed from their source material.
Mike Bidlo is an artist who belongs to what we call appropriationist (artists appeared in the early 80s who bet on taking possession by copying the works of others.) It is a movement that remains informal (we does not have a manifesto) but which nevertheless has an objective: questioning notions of « author », « originality », « novelty », so dear to Modernity. Why is Bidlo’s work less political, as he thinks, than reflexive, even metaphysical?




Bidlo est sans doute l’artiste le plus dénué d’identité visuelle. Lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui l’ont poussé à adopter l’appropriation comme méthode, il met en avant des motivations politiques. L’appropriation, selon lui, doit permettre de diffuser la culture à travers toutes les classes de la société, y compris les classes les plus défavorisées.
L’artiste indique en effet que les chefs-d’œuvre de l’art moderne, victimes de leur sacralisation, restent trop souvent cachés chez leur propriétaire, ou dans des musées hors de portée, dans d’autres pays. Les faire voyager dans des expositions intra musées reste une solution peu utilisée, dans la mesure où leur déplacement implique des frais importants, et le risque de vol se voit multiplié. Bidlo entend bien faire changer cette situation.
L’une des œuvres de Bidlo est intitulée Un poulet dans chaque marmite et un Pollock dans chaque salon. Ce titre pourrait, de toute évidence, servir de formule à son action. L’ambition de Bidlo est donc simple : il s’agit avant tout de (re-)produire les chefs-d’œuvre pour les diffuser largement, et les vendre à moindre frais. Ses copies sont généralement vendues au prix de 10 000 euros.
Bidlo met parfois en scène le partage égalitaire de l’art d’une façon assez théâtrale en donnant à qui le souhaite une portion de ses œuvres. Cela a été le cas avec Painting Blue Poles, une performance qui a eu lieu sur les marches du Metropolitan Museum de New York en 1982. Une fois l’œuvre réalisée, Bidlo a divisé la peinture en petits carrés qu’il a ensuite distribué au public.
Quelque peu utopiste, on ne peut que rétorquer que la copie existait avant lui. Il en fait certes le fond de sa démarche, son fonds de commerce, mais il n’invente rien. C’est la raison pour laquelle ce qu’il y a à retenir, de sa démarche, c’est davantage les questions liées aux notions, d’auteur, d’originalité, de nouveauté.
Bidlo is arguably the artist most devoid to visual identity. When asked about the reasons that led him to adopt appropriation as a method, he puts forward political motivations. Appropriation, according to him, must allow culture to be spread across all classes of society, including the most disadvantaged classes.
The artist indicates that the masterpieces of modern art, victims of their sacralization, too often remain hidden in their owners, or in out of reach museums, in other countries. Having them travel to intra-museum exhibitions remains a solution that is little used, since their displacement involves significant costs, and the risk of theft is multiplied. Bidlo intends to change this situation. One of Bidlo’s works is titled A Chicken in Each Pot and a Pollock in Each Living Room.
This title could obviously serve as a formula for his action. Bidlo’s ambition is therefore simple: above all, it is a question of (re) producing masterpieces in order to distribute them widely, and sell them at low cost. Its copies are generally sold at a price of 10,000 euros. Bidlo sometimes stages the egalitarian sharing of art in a rather theatrical way by giving a portion of his works to whomever wishes. This was the case with Painting Blue Poles, a performance that took place on the steps of the Metropolitan Museum in New York in 1982.
Once the work was done, Bidlo divided the painting into small squares which he then distributed to public. Somewhat utopian, one can only retort that the copy existed before him. He certainly made it the basis of his approach, his business, but he invented nothing. This is the reason why what there is to retain, of its approach, it is more the questions related to the concepts, of author, originality, novelty.
- © Not de Chirico (Metaphysical Interior with Workshop, 1948), 1989 – 1990
- © Not Picasso (Self-Portrait: Yo Picasso, 1901), 1986
- © Not Warhol (Marilyn), 1984
- © The Fountain Drawings (#1886 from the , 1993 – 1997

© (Not) Duchamp’s, 1987
Bidlo est de tous les appropriationnistes celui qui s’apparente le plus à un faussaire. Ses œuvres sont des copies conformes des originaux. Dans son travail, on se retrouve face à un degré zéro d’invention. Pour autant, ses œuvres peuvent être interprétées comme une célébration de la disparition de la notion d’auteur. Après la course effrénée à la Modernité, à la nouveauté, avec Bidlo, le temps semble être suspendu. C’est un peu comme si la recherche du nouveau, qui avait été un des éléments moteurs de la modernité, venaient soudainement buter sur l’évidence de l’épuisement des possibles en matière d’invention artistique.
Bidlo, lors de ses reproductions, titre ses œuvres en plaçant un « not » devant le nom de l’artiste qu’il copie. Le titre fait figure ici d’acte de destitution signifiant que les formes appartiennent à tout le monde et pas seulement aux artistes qui les ont signées. Le « Not » suivi d’un nom d’auteur induit l’idée que le premier auteur de l’œuvre ne saurait revendiquer la pleine et entière paternité des images et des styles que Bidlo redonne à voir.
On peut aussi comprendre ce que « not » remet en question le statut de l’artiste. Picasso, par exemple, n’a pas inventé Les Demoiselles d’Avignon ex nihilo. Il a mis à profit sa connaissance conjointe de la statuaire ibérique primitive et des masques congolais de façon à les intégrer dans un e composition relativement unifiée. Jusqu’à une date récente, peu d’artistes, néanmoins, ont accepté de reconnaître leur dû. Pourtant, une toile c’est avant tout le résultat de tout ce qui a été créé précédemment, et à partir de quoi l’artiste va créer à son tour.
En intitulant « Not Picasso » une œuvre qui ressemble très précisément à un Picasso, Mike Bidlo ouvre en quelque sorte l’œuvre à l’altérité qui l’habite ; il invite le spectateur à dresser l’inventaire des emprunts à travers lesquels l’œuvre s’est constituée. On est ici dans un questionnement quasi métaphysique. Peut-on considérer une œuvre indépendamment de l’artiste qui l’a créé ? Est-ce que l’œuvre a une vie indépendamment de son créateur ? Le titre vient en tout cas lever le doute sur l’attribution et a valeur de reconnaissance de dette, ainsi que sur la vie d’une œuvre.
Bidlo is the most similar to a counterfeiter of all appropriationists. His works are certified copies of the originals. In his work, we are faced with a zero degree of invention. However, it can be interpreted as a celebration of the disappearance of the notion of author. After the frantic race for Modernity, for novelty, with Bidlo, time seems to be suspended. It’s as if the search for the new, which had been one of the driving forces of modernity, suddenly came up against the evidence of the exhaustion of possibilities in terms of artistic invention.
Bidlo, during reproductions, titles his works by placing a « not » in front of the artist’s name which it copies. The title appears here as an act of dismissal meaning that the forms belong to everyone and not only to the artists who signed them. The « Not » followed by an author’s name induces the idea that the first author of the work cannot claim the full and entire authorship of the images and styles that Bidlo gives back to see.
We can also understand what « not » questions the status of the artist. Picasso, for example, did not invent Les Demoiselles d’Avignon ex nihilo. He made use of his joint knowledge of primitive Iberian statuary and Congolese masks so as to integrate them into a relatively unified composition. Until recently, few artists, however, have agreed to acknowledge their due. However, a canvas is above all the result of everything that has been created previously, and from which the artist will create in turn.
By titling « Not Picasso » a work that very precisely resembles a Picasso, Mike Bidlo in a way opens the work of art to the otherness that inhabits it; he invites the viewer to draw up an inventory of the loans through which the work was built up. We are here in an almost metaphysical questioning. Can we consider a work independently of the artist who created it? Does the work have a life independently of its creator? The title comes in any case to remove the doubt about the attribution and has value of acknowledgment of debt, as well as on the life of a work.

© Not Pollock, 1980 – 1989
Arrêt sur une œuvre (DRIPPINGS DE Pollocks) : Contrairement aux autres œuvres de Bidlo, les Not Pollock ne sont pas des copies traits pour traits. Il s’agit plutôt d’une sorte de remake improvisé. L’artiste a travaillé une année entière pour saisir le geste de Pollock.
« Ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. J’ai beaucoup pratiqué. J’ai traqué autant de Pollock réels qu’il était possible de trouver de façon à examiner de près comment ils avaient été réalisés En essayant de reproduire la gestuelle de Pollock, j’ai découvert que sa ligne était une sorte de calligraphie cursive qui pouvait être apprise comme la méthode Palmer. Après un an d’essais et d’erreurs, j’ai appris à contrôler la viscosité, la disposition en couches successives et les différentes façons selon lesquelles la peinture frappe et est absorbée par la surface de la toile ».
Il faut noter que l’artiste a dû négocier avec les réalités du XXème finissant. Les couleurs utilisées par Pollock ne sont plus commercialisées. Et il faut donc les imiter par d’autres moyens : Mike Bidlo: Etant donné que le Duco n’est plus commercialisé, j’ai dû avoir recours à une peinture à l’émail achetée à la quincaillerie et j’ai dû reconstituer de façon approximative la palette de chaque peinture de Pollock ».
L’intérêt d’une réactivation des drippings de Pollock se trame dans une relecture : au moment où Pollock a présenté ses premiers drippings, le style dominant en Amérique était une sorte de Néo-Cubisme Synthétique, ou de surréalisme finissant. Ceux-ci formaient donc la toile de fond du champ énonciatif dans lequel devait intervenir Pollock. En marge des « énoncés » de Pollock, il y avait aussi l’expressionnisme abstrait naissant. Lorsque Bidlo réactive les œuvres de Pollock, le champ énonciatif a totalement changé.
C’est cette fois le néo-expressionnisme de Schnabel qui est dominant. Dans l’intervalle de temps séparant Pollock de Bidlo, il y a eu le Pop, le Minimalisme, l’art conceptuel et ceux-ci viennent interférer avec la lecture que l’on peut faire du dripping. On fait donc de Not Pollock une lecture contextuelle : on peut voir en lui une critique du Néo-Expressionnisme de Schnabel qui resservait à cette époque les poncifs de l’expressionnisme. Alors que le Pollock original était une apologie de la créativité libéré de toutes entraves formelles européennes, l’œuvre de Bidlo semble tourner en dérision la spontanéité expressionniste en la répétant. Une même forme peut donc véhiculer des sens totalement opposées dès lors qu’elle est remise en scène à des moments différents du temps.
La difficulté avec ce type de travail et, partant, ce qui fait son intérêt et ses limites, tient au contraste théorique entre ce que, par exemple, le discours appropriationniste définit comme critique en pratique des notions d’auteur et d’originalité (comme garanties traditionnelles de la valeur marchande et symbolique des œuvres) et l’évidence du statut allégorique de leurs œuvres, comme l’a démontré en 1980 Craig Owens: « les manipulations auxquelles ces artistes soumettent ces images visent à les vider de leur résonance, de leur signification, du sens qu’elles revendiquent de façon autoritaire (…)Si sa pratique résulte d’un vide dans le champ des possibles de la création, d’une certaine manière elle les vide aussi de leur aura, et de leur signification première.
Alors, crise de l’aura? Oui, si cette notion définit et est définie par le caractère unique, authentique et original, reconnu dans la matérialité et le mode d’exposition spécifiques à une œuvre d’art, ce qui n’est plus le cas dans sa reproduction dégradée et/ou redimensionnée et ré-encadrée. Non, car dans le même temps l’œuvre originale existe toujours matériellement quelque part et n’est pas en soi dégradée, à moins qu’on ne réduise son existence et son éventuelle portée à toutes ses reproductions-dégradations et à tous ses usages. Ce serait donc uniquement sur le plan de l’image que l’affaire se jouerait.
Stop on a work (DRIPPINGS BY Pollocks): Unlike the other works by Bidlo, Not Pollock are not line copies for lines. It’s more like an improvised remake. The artist worked an entire year to capture Pollock’s gesture.
« It is not as simple as it seems. I have practiced a lot. I have tracked down as many real Pollocks as I could find so as to take a close look at how they were made. Trying to reproduce Pollock’s gestures, I discovered that his line was a kind of cursive calligraphy that could be learned like the Palmer method. After a year of trial and error, I learned to control the viscosity, the arrangement in successive layers and the different ways in which the paint strikes and is absorbed by the surface of the canvas. «
It should be noted that the artist had to negotiate with the realities of the late twentieth century. The colors used by Pollock are no longer sold. And so you have to imitate them in other ways: Mike Bidlo: Since the Duco is no longer sold, I had to use an enamel paint purchased from the hardware store and I had to roughly reconstruct the palette of each Pollock paint. «
The interest of a reactivation of Pollock drippings is woven into a re-reading: at the time when Pollock presented his first drippings, the dominant style in America was a kind of Synthetic Neo-Cubism, or ending surrealism. These therefore formed the backdrop for the enunciative field in which Pollock was to intervene. In addition to Pollock’s « statements », there was also emerging abstract expressionism. When Bidlo reactivates Pollock’s works, the enunciative field has completely changed.
This time it’s Schnabel’s neo-expressionism that is dominant. In the time between Pollock and Bidlo, there has been Pop, Minimalism, conceptual art and these interfere with the reading that can be done with dripping. We therefore make Not Pollock a contextual reading: we can see in him a criticism of Schnabel’s Neo-Expressionism which at that time resisted the clichés of expressionism. While the original Pollock was an apology for creativity freed from all formal European shackles, Bidlo’s work seems to mock expressionist spontaneity by repeating it.
The same form can therefore convey completely opposite meanings as soon as it is re-staged at different times in time. The difficulty with this type of work and, therefore, what makes it interesting and its limits, is due to the theoretical contrast between what, for example, the appropriationist discourse defines as critical in practice of the notions of author and originality (as traditional guarantees of the market and symbolic value of the works).
And the evidence of the allegorical status of their works, as demonstrated in 1980 by Craig Owens: « the manipulations to which these artists submit these images aim to empty them of their resonance, of their meaning, the meaning they claim in an authoritarian way (…) If its practice results from a void in the field of creation possibilities, in a certain way it also empties them of their aura, and of their primary meaning .
So, an aura crisis? Yes, if this notion defines and is defined by the unique, authentic and original character, recognized in the materiality and the mode of exposure specific to a work of art, which is no longer the case in its degraded reproduction and / or resized and re-framed. No, because at the same time the original work still exists materially somewhere and is not in itself degraded, unless we reduce its existence and its possible scope to all its reproductions-degradations and to all its uses. It would therefore be only in terms of image that the case would play out.
- © Untitled (not Pollock),1983

Galerie





© Alessandro Lucioni/Gorunway.com /AP /SIPA /Ines Manaï /AsiaTypek /Morgan O’Donovan /WWDImaxtree /Dior
Pour le printemps/ été 2020, Maria Grazia Chiuri a choisi d’honorer la soeur de Christian Dior, très peu connue du grand public, Catherine, à qui il avait d’ailleurs dédié la création de son parfum iconique « Miss Dior ». Le tout accompagné en musique par la bande originale The Tree of Life d’Alexandre Desplat et Across the Universe des Beatles.
Féministe et engagée dans la Résistance lors de la seconde guerre mondiale (Catherine Dior est arrêtée par la Gestapo et torturée en 1944 ; refusant de parler, elle est donc déportée au camp de Drancy puis à Ravensbrück. Elle est finalement libérée à Dresde, en 1945), elle n’en demeure pas moins féminine. Sa passion ? Le jardinage. Une passion que l’on retrouve dans une des pièces majeures du vestiaire de la Maison, la jupe tulipe.
Cette atmosphère très jardinière on la retrouve dans la collection mais aussi dans le décor voulu par la designer.e soit : des feuillages, dans un jardin botanique, de la toile de Jouy, du raphia, des fleurs séchées en broderies ou en teintures, du bois, des treillis de jardin, ect. De petits fanions de papiers ont été disposés sur les arbres plantant le décor où on peut lire « planting for future », planter pour le futur.
Le principal élément de cette collection c’est la toile de Jouy, matériau cher à la Maison, qui semble trouver ici toute sa cohérence ; tantôt à rayures, tantôt à carreaux, elle est la matière principale des costumes présentés. La femme Dior est une femme-fleur habillée de robes en mousseline brodées de feuilles et de fleurs, agrémentées par de minuscules perles et portées avec des colliers en bois. Le sac Dior a également été retravaillé avec des motifs de feuilles. Les chapeaux sont en paille, les perforations sur certains vêtements représentent des nids abeilles, espèces en voie de disparition.
Les cardigans de cachemire sont « tachés » de couleurs végétales – selon la technique d’une artisane italienne qui applique les pétales sur le tissu humide avant de les retirer et d’y contempler leur empreinte. Maria Grazia Chuiri a collaboré avec les équipes du Grand Herbier du Musée d’Histoire Naturelle de Paris pour dessiner les motifs de sa collection.
« Seule la nature et la diversité peuvent nous libérer. Il me semblait indispensable d’inscrire notre héritage au cœur des enjeux actuels. Les fleurs et les plantes ne sont pas simplement des ornements décoratifs, ils sont l’essence de notre environnement. Nous avons le devoir d’en prendre soin, aujourd’hui plus que jamais », explique Maria Grazia Chiuri.
Quid de ces motifs Tye and dye ? La designer faisait référence à Monte Verità, une communauté située en Suisse, composées d’artistes et de penseurs (surtout des utopistes) qui au début du XXème siècle souhaitait vivre en harmonie avec la Nature.
Dans cette mouvance, Maria a choisi de réutiliser des vestes déjà vues dans des saisons précédentes, à l’instar de la veste bar, les robes patineuses en pied de coq, le jupon en tulle, le Saddle (sac créé par Galliano il y a plusieurs années de cela) des silhouettes très féminines en somme et bucoliques revisitées : «Nous voulons proposer des créations qui ne se démodent pas au bout d’une saison et, à travers les défilés, nous montrons aux clientes comment les mixer pour les réactualiser. C’est aussi ça, la durabilité Dior. »
Un défilé qui veut porter haut les valeurs de l’écologie avec la création d’un arboretum de 164 arbres de plusieurs espèces différentes sur la pelouse de l’hippodrome de Longchamp, où chaque arbre, choisi par le collectif Coloco – composé d’urbanistes et de paysagistes – sera replanté en Ile-de-France. La Nature est bien au coeur de ce défilé et plus largement au coeur de la profession où chacun se targue de recycler ses matériaux, de créer des vêtements durables, d’avoir une empreinte carbone faible, ou encore d’avoir signé le Fashion Pact. Peut être l’aube d’une nouvelle ère.





For spring / summer 2020, Maria Grazia Chiuri has chosen to honor Christian Dior’s sister, little known to the general public, Catherine, to whom he had dedicated the creation of her iconic perfume « Miss Dior ». All accompanied in music by the soundtrack The Tree of Life by Alexandre Desplat and Across the Universe by The Beatles.
Feminist and engaged in the Resistance during the Second World War (Catherine Dior was arrested by the Gestapo and tortured in 1944; refusing to speak, she was deported to the Drancy camp then to Ravensbrück. She was finally released in Dresden, in 1945 ), she is nonetheless feminine. Her passion ? Gardening. A passion that we find in one of the major pieces of the House’s wardrobe, the tulip skirt.
This very garden-like atmosphere is found in the collection but also in the decor desired by the designer.e either: foliage, in a botanical garden, Jouy canvas, raffia, dried flowers in embroidery or dyes, wood, garden trellis, ect. Small flags of paper were placed on the trees setting the scene where we can read « planting for future ».
The main element of this collection is the Jouy canvas, a material dear to the House, which seems to find its consistency here; sometimes striped, sometimes checkered, it is the main material of the costumes presented. The Dior woman is a flower woman dressed in chiffon dresses embroidered with leaves and flowers, embellished with tiny pearls and worn with wooden necklaces. The Dior bag has also been reworked with leaf patterns. The hats are made of straw, the perforations on certain garments represent honeycombs, endangered species.
Cashmere cardigans are « stained » in plant colors – the technique of an Italian craftswoman who applies the petals to the damp fabric before removing them and gazing at their imprint. Maria Grazia Chuiri collaborated with the teams of the Grand Herbier of the Museum of Natural History in Paris to draw the patterns for her collection.
“Only nature and diversity can set us free. It seemed essential to put our heritage at the heart of today’s challenges. Flowers and plants are not just decorative ornaments, they are the essence of our environment. We have a duty to take care of it, today more than ever, « says Maria Grazia Chiuri.
What about these Tye and dye patterns? The designer was referring to Monte Verità, a community located in Switzerland, composed of artists and thinkers (especially utopians) who at the beginning of the 20th century wanted to live in harmony with Nature.
In this movement, Maria has chosen to reuse jackets already seen in previous seasons, like the bar jacket, the skater dresses at the foot of the rooster, the petticoat in tulle, the Saddle (bag created by Galliano ago several years ago) very feminine silhouettes and bucolic revisited: « We want to offer creations that do not go out of fashion after a season and, through the fashion shows, we show customers how to mix them to update them. This is also Dior durability. «
A show that wants to carry high the values of ecology with the creation of an arboretum of 164 trees of several different species on the lawn of the Longchamp racecourse, where each tree, chosen by the Coloco collective – composed of urban planners and landscapers – will be replanted in Ile-de-France. Nature is at the heart of this show and more broadly at the heart of the profession where everyone prides themselves on recycling their materials, creating sustainable clothing, having a low carbon footprint, or having signed the Fashion Pact. Maybe the dawn of a new era.































































































Critiques

© Photo issue du défilé de Junkai Huang, étudiant au Fashion Institute Museum. Février 2020. Source: Bennett Raglin / Getty
Le Blackface aujourd’hui, c’est une pratique jugée raciste qui consiste à se grimer en Noir, notamment lors d’un Carnaval. À l’origine, soit dès le XVIIIème siècle, le blackface c’étaient des hommes Noirs qui caricaturaient habilement les hommes Blancs lors de comédies où les spectateurs étaient à la fois blancs et noirs, mais majoritairement blancs. Ces derniers d’ailleurs ne connaissaient pas exactement le sens caché de ces parodies, puisque ces hommes noirs divertissant leurs maitres a priori à leurs propres dépends, caricaturaient en fait le comportement de leurs oppresseurs. Plus tard, des hommes blancs se sont mis à caricaturer les hommes noirs ; un des plus connu d’entre eux se nommait Thomas D. Rice et performait dans ce qu’on appelait alors des minstrel show, soit des spectacles américains où jouaient des acteurs blancs se noircissant le visage (blackface).
Blackface today is a deemed racist practice which consists of making up in black, especially during a Carnival. Originally, in the 18th century, the blackface were black men who skillfully caricatured white men in comedies where the spectators were both white and black, but mostly white. The latter, moreover, did not know exactly the hidden meaning of these parodies, since these black men entertaining their masters a priori at their own expense, in fact caricatured the behavior of their oppressors. Later, white men began to caricature black men; one of the best known of them was named Thomas D. Rice and performed in what was then called minstrel shows, American shows in which white actors blackened their faces played (blackface).





© Getty image
© Personnage Jim Crow de Thomas D. Rice.Institute for Advanced Technology in the Humanities at the University of Virginia
—Après la Guerre de Sécession, les Noirs eux-mêmes reprendront ce genre de la comédie. Les hommes Noirs de ces spectacles apparaissaient généralement comme comme des gens stupides, superstitieux, mais joyeux et doués pour la danse et la musique. Préconçus encore dans notre inconscient collectif jusqu’à il y a peu, dans cette idée que les Noirs avaient « le rythme dans la peau ». Un exemple parmi tant d’autres, Thomas D. Rice, lorsqu’il se grimait, empruntait le nom de Jim Crow, dès 1828. Il avait été inspiré par la musique et la danse d’un homme noir handicapé qu’il avait rencontré à Cincinnati, dans l’Ohio, qui s’appelait alors Jim Cuff ou Jim Crow. La chanson du spectacle intitulée Jump Jim Crow fut un très grand succès si bien que Thomas Rice en fit une tournée dans tous les Etats-Unis.
After the Civil War, blacks themselves will resume this genre of comedy. Black men in these shows generally appeared to be stupid, superstitious, but cheerful people who were good at dancing and music. Pre-conceived in our collective unconscious until recently, with the idea that black people had « rhythm in their skin ». One example among many, Thomas D. Rice, when he made up, borrowed the name Jim Crow, in 1828. He had been inspired by the music and the dance of a handicapped black man whom he had met in Cincinnati, Ohio, which was then called Jim Cuff or Jim Crow. The song in the show called Jump Jim Crow was a huge success, so much so that Thomas Rice toured it throughout the United States.
Revenons-en à aujourd’hui : La semaine dernière, le 7 février, un étudiant du nom de Junkai Huang a présenté sa collection de fin d’année en vue de l’obtention de son diplôme, au Fashion Institute of Technology, ces pendant la fashion week de New-York. Sa collection était accessoirisée de très larges oreilles blanches ou noires de part et d’autre du visage des mannequins, de bouche exubérante à l’instar des caricatures des bouches d’hommes et / ou femmes noires, et des sourcils très touffus rappelant ceux des singes. Le point de départ de sa collection ? Une volonté de mettre en avant les traits parmi les plus laids du corps humain.
Getting back to today: Last week, February 7, a student named Junkai Huang presented his graduation collection for graduation at the Fashion Institute of Technology during New York fashion week. His collection was accessorized with very large white or black ears on either side of the models’ faces, exuberant mouths like caricatures of the mouths of black men and / or women, and very bushy eyebrows reminiscent of those of monkeys. The starting point for his collection? A desire to highlight some of the ugliest features of the human body.

« Les accessoires utilisés pendant le spectacle étaient destinés à refléter les caractéristiques de mon corps et à percevoir leurs proportions élargies, qui devraient être célébrées et embrassées », a déclaré Junkai Huang.
Sur la photo Junkai Huang © Junkai Huang
L’intention ne présentait pas de velléités racistes, selon Junkai Huang ; pourtant une mannequin, Amy Lefevre (portant ci-dessous une tenue orange et blanche) a refusé de porter ces oripeaux qu’elle a jugé, déjà, raciste. Il faut dire que le jeune designer en herbe les avait non pas fabriqué mais acheté sur Amazon en dernière minute, dans la catégorie « oreilles de singes » & autres. Après le tollé général, la Présidente du FIT, Joyce Brown, décrivait la situation ainsi : « Actuellement, il ne semble pas que l’intention originale de la conception, de l’utilisation d’accessoires ou de la direction créative du show était de faire une allusion raciale. Cependant, il est désormais évident que cela a été le résultat », a-t-elle poursuivi. « Pour cela, nous nous excusons auprès de ceux qui ont participé au show, aux étudiants et à quiconque qui aurait été offensé par ce qu’ils ont vu. »
“The accessories used during the show were intended to be reflections of my own body features and perceptions of their enlarged proportions, which should be celebrated and embraced,” Junkai Huang said.
On the picture Junkai Huang © Junkai Huang
The intention was not racist, according to Junkai Huang; yet a model, Amy Lefevre (wearing an orange and white outfit below) refused to wear these clothes that she already considered racist. It must be said that the young aspiring designer had not manufactured them but bought them on Amazon at the last minute, in the category « monkey ears » & others. After the outcry, FIT President Joyce Brown described the situation as follows: « Currently, it does not seem that the original intention of the design, the use of accessories or the creative direction of the show was to make a racial allusion. However, it is now evident that this was the result, ”she continued. “For this, we apologize to those who participated in the show, to the students and to anyone who might have been offended by what they saw. »








Alors, que penser ? Etait-ce réellement raciste, considéré que le blackface est autant une moquerie de très mauvais goût sur les hommes noirs que sur les hommes blancs, bien que ces derniers l’aient ignorés ? La mode doit-elle accepter les injonctions de la doxa et les jugements moraux sur ses artefacts ? L’étudiant designer était-il sincère dans sa non intention de paraître raciste ?
Réponse : le scandale des blackfaces à travers le monde date d’il y a peu, cet étudiant n’a pu l’ignorer ou passer à côté. Et si tel a été le cas, travailler dans un domaine où la culture est en jeu n’autorise pas à l’ignorance de ce genre d’enjeux.
Ensuite, les blackfaces ayant pu viser hommes blancs ou noirs, il demeure que ceux qui ont eu à en souffrir ont été ces hommes noirs, ces esclaves afro-américains. Les artifices utilisés par l’étudiant sont bien ceux qui servent à comparer les populations noires à des singes (…)
Ce à quoi on peut ajouter que la mode répond aux injonctions sociétales, et si elle fait et a fait longtemps scandale dans l’histoire, ce genre de scandale raciste est encadré par la loi dans nombre de pays du monde – dont la France. Donc si ce n’est pas légal cela n’a pas lieu d’être.
Enfin et pour en revenir à Junkai Huang, son idée de départ de créer une mode « moche » apparait comme étant très intéressante à de multiples niveaux, mais son exécution a été définitivement ratée. Sans compter que plus personne ne s’intéresse à ses vêtements, et que son message originel est devenu maintenant illisible, inaudible. Il demeure qu’il aura fait la Une pendant plusieurs jours et comme on dit souvent « Bad press is still press ». Mais pas sure qu’il se remette de celle-ci ; soyons indulgent, il n’est encore qu’un étudiant fraichement diplômé. Reste que si la communauté internationale s’émeut du travail raté d’un étudiant, c’est que l’atmosphère reste très fébrile quant à ces problématiques…
So, what to think? Was it really racist, considering that blackface is as much a mockery of very bad taste on black men as on white men, although the latter have ignored it? Should fashion accept the injunctions of the doxa and the moral judgments on its artefacts? Was the student designer sincere in his non intention to appear racist?
Answer: the scandal of black faces around the world dates from a short time ago, this student could not ignore it or miss it. And if that has been the case, working in an area where culture is at stake does not allow ignorance of these kinds of issues.
Then, the blackfaces having been able to target white or black men, it remains that those who had to suffer from it were these black men, these African-American slaves. The devices used by the student are those used to compare black populations to monkeys (…)
To which we can add that fashion responds to societal injunctions, and if it has been and has been a scandal for a long time in history, this kind of racist scandal is regulated by law in many countries of the world – including France. So if it is not legal it does not have to be.
Finally and coming back to Junkai Huang, his initial idea of creating a « ugly » fashion appears to be very interesting on multiple levels, but its execution was definitively failed. Not to mention that nobody is interested in his clothes anymore, and that his original message has now become illegible, inaudible. The fact remains that he made headlines for several days and as we often say « Bad press is still press ». But not sure he is recovering from it; let us be indulgent, he is still only a freshly graduated student. The fact remains that if the international community is moved by the failed work of a student, it is because the atmosphere remains very feverish regarding these issues …
















Papiers

« Égoïste.
Où es-tu ?
Montre-toi misérable !
Prends garde à mon courroux, je serai implacable.
Ô rage !
Ô désespoir !
Ô mon amour trahi !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Montre-toi, égoïste ! »
« Selfish.
Where are you ?
Show yourself miserable!
Beware of my wrath, I will be relentless.
Thunderstorm !
O despair!
O my betrayed love!
Have I therefore lived so much only for this infamy?
Show yourself, selfish! «
Would you really want to have Adblock deprive you of that ?
Well, usually publicity is annoying. But some of them have marked our minds and culture. If Art often inspires advertising, raising advertising to the rank of Art would be unwelcome today as its place has been growing with the advent of the Internet and at the same time invasive and intolerable. Indeed, many software allow us to get rid of it for a time, until we come across content praising us its merits, allowing to pay authors and therefore to support a certain number of web workers.
Voudriez-vous vraiment qu’Adblock vous prive de ça ?
Généralement la publicité est considérée comme étant particulièrement pénible. Si l’Art inspire souvent la publicité, hisser la publicité au rang de l’Art serait malvenu tant sa place a été grandissante avec l’avènement de la sphère internet et tout à la fois envahissante et intolérable. En effet, nombre de logiciels très prisés nous permettent de nous en débarrasser pour un temps, jusqu’à ce que l’on tombe sur un contenu nous vantant ses mérites, à savoir rémunérer les auteurs et donc faire vivre un certain nombre de travailleurs du web.
©Jean-Paul Goude x Corbis image
© Jean-Paul Goude x Chanel




Back to the add spot. Very theatrical, this advertising spot was filmed in Rio de Janeiro. This publicity required the construction of a reproduction of the Carlton hotel in Cannes in a Brazilian desert, and a production team as large as for the shooting of a movie. Of course, only the facade of the hotel has been reproduced. Jean-Paul Goude, the director, called on Michel Rose in collaboration with Yves Bernard, both set designers also known for advertising for other brands like Dim.Three hundred workers were mobilized for the construction of this facade of the stucco palace and those, for almost four weeks.
Le spot de pub présenté ici est d’un genre très rare : très théâtral, presque cinématographique, ce spot a été tourné à Rio de Janeiro. Cette publicité a nécessité la construction d’une reproduction de l’hotel Carlton de Cannes dans un désert du Brésil, et une équipe de production aussi importante que pour le tournage d’un film. Bien entendu, seule la façade de l’hotel a été reproduite. Jean-Paul Goude, le réalisateur, a fait appel à Michel Rose en collaboration avec Yves Bernard, tous deux scénographes, aussi connu (pour le dernier) pour les publicités pour d’autres marques à l’instar de Dim. Trois cents ouvriers ont été mobilisés pour la construction de cette façade du palace en stuc et ceux, pendant près de quatre semaines.




The chosen music – very dramatic – is an extract from « Romeo and Juliet », ballet for symphonic orchestra by Russian composer Sergei Prokofiev (1935). The song in question is called « The Dance of the Knights » (Act 1, scene 13). The text is a very elaborate pastiche of the tragic « Cid » by Corneille, the original of which is as follows (Act 1, Scene 4):
« O rage! Oh despair! Oh enemy old age! Have I lived so long only for this infamy? respect all Spain admires, My arm, which so many times saved this empire, So many times strengthened the throne of its king, Betray therefore my quarrel, and does nothing for me? «
La musique choisie – très dramatique – est un extrait de « Roméo et Juliette », ballet pour orchestre symphonique du compositeur russe Sergei Prokofiev (1935). Le morceau en question s’intitule « La Danse des chevaliers » (Acte 1, scène 13). Le texte est un pastiche très élaboré du tragique « Cid » de Corneille dont l’original est le suivant (Acte 1, Scène 4) :
« O rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Mon bras qu’avec respect tout l’Espagne admire, Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? »Ô mon amour trahi !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Montre-toi, égoïste ! »

Jean-Paul Goude was inspired by a news item for this spot, he confided in his words: « If the film is successful, it is probably because it is inspired by a personal project, in this case a 52-minute musical film intended for a television channel Inspired by Farida, my partner at the time, who had written an extraordinary poem entitled « The Woman with the Nose Cut », the project chronicled a particularly dramatic news item which she had witnessed when she was still living at Les Minguettes in Lyon: a drunken and jealous macho had cut the nose of his beloved wife to punish her for her infidelity. Immigrants North Africans women, witnesses of the tragedy, insulted the criminal while slamming the shutters to the rhythm of the ambient music.
The TV project of Farida unfortunately died quickly. I resuscitated it for Egoïste by replacing our Maghrebians with a cohort of angry top-models leaning on the balconies of a palace of La Riviera to denounce the male selfishness. The film was shot 10 kilometers from Rio, in the open countryside, in a fully reconstructed cinema setting like the Carlton in Cannes. No question at the time of computer effects, so very little postproduction. As such, Egoïste undoubtedly remains the last advertising film of an era and my favorite short film « .
Above and below, Goude’s sketches for the advertising spot
Jean-Paul Goude s’est inspiré d’un fait divers, il se confiait ainsi à son propos : « Si le film est réussi, c’est probablement parce qu’il s’inspire d’un projet personnel, en l’occurrence un film musical de 52 minutes destiné à une chaîne de télévision. Inspiré par Farida, ma compagne à l’époque, qui avait écrit un poème extraordinaire intitulé « La Femme au nez coupé », le projet chroniquait un fait divers particulièrement dramatique dont elle avait été le témoin lorsqu’elle habitait encore aux Minguettes à Lyon : un macho ivre de jalousie avait coupé le nez de sa femme bien-aimée pour la punir de son infidélité. Penchées aux fenêtres de leur HLM, des ménagères d’origine maghrébines, témoins de la tragédie, insultaient le criminel tout en claquant les volets sur le rythme de la musique ambiante. Le projet TV Farida étant malheureusement mort aussi vite que je l’avais présenté, je l’ai ressuscité pour Egoïste en substituant nos Maghrébines à une cohorte de top-modèles en colère penchés aux balcons d’un palace de La Riviera pour dénoncer l’égoïsme masculin. Le film fut tourné à 10 kilomètres de Rio, en rase campagne, dans un décor de cinéma entièrement reconstitué à l’image du Carlton de Cannes. Pas question à l’époque de trucages sur ordinateur, donc très peu de postproduction. A ce titre, Egoïste reste sans doute le dernier film publicitaire d’une époque et mon bref-métrage préféré ».
Ci-dessus et dessous, les croquis de Goude pour le spot publicitaire




A chilling fact in the yardstick of this advertising spot for which Jean-Paul Goude obtained a Golden Lion in Cannes during the international advertising festival in 1990 after which he went on to produce for the perfume Coco (Chanel) another spot just as remarkable, with Vanessa Paradis. A captivating storytelling, a surprising scenography, a creation of titanic decorations, a masterful soundtrack, an eminently pastiche text, so many artistic artifices which take us away from the venality of a simple advertisement to fill the imagination with an aesthetic delight which touches all senses, and lastly that of smell which it delays the spectator to test, to feel after feeling this much.
Un fait divers glaçant donc à l’aune de ce spot publicitaire pour lequel Jean-Paul Goude obtint un Lion d’or à Cannes lors du festival international de la publicité en 1990 après lequel, il va réaliser pour le parfum Coco (Chanel) un autre spot tout aussi remarquable, avec Vanessa Paradis. Un storytelling captivant, une scénographie surprenante, une création de décors titanesque, une bande son magistrale, un texte éminemment pastiché, autant d’artifices artistiques qui nous éloignent de la vénalité d’une simple publicité pour emplir les imaginaires d’un ravissement esthétique qui touche tous les sens, et en dernier lieu celui de l’odorat qu’il tarde le spectateur de tester, de sentir après avoir autant ressenti.




So why can’t we consider it as a work of art?
Art, even in the 20th century, is still highly codified. And one of these codes is very strict: art must be disinterested. It was Emmanuel Kant – German philosopher – who told us this in the 18th century. According to Kant « beauty is the object of selfless and free satisfaction ». What is beautiful in itself has its own end. To be more clear, this passage from The Condition of Modern Man by Arendt can enlighten minds quick to see art everywhere around them:
« Among the objects that give human artifice the stability without which men would find no homeland there, there are some which have absolutely no use and which moreover, because they are unique, are not exchangeable and therefore challenge equalization by means of a common denominator such as money; if you put them on the market you can only set their prices arbitrarily. What is more, the relationship we have with a work of art certainly does not consist in « using it »; on the contrary, to find its proper place in the world, the work of art must be carefully removed from the context of everyday objects. It must also be removed from the needs and demands of daily life, with which it has as little contact as possible. »
Hannah Arendt, The Condition of Modern Man
Alors pourquoi ne peut-on pas le considérer comme une oeuvre d’art ?
L’art, même au XXIème siècle est toujours très codifié. Et un de ces codes, est très strict : l’art doit être désintéressé. C’est Emmanuel Kant – philosophe allemand – qui nous le dit dès le XVIIIème siècle. Selon Kant « le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée et libre ». Est beau ce qui porte en soi sa propre fin. Pour être plus clair, ce passage de La Condition de l’homme moderne d’Arendt peut éclairer les esprits prompts à voir de l’art partout autour d’eux :
« Parmi les objets qui donnent à l’artifice humain la stabilité sans laquelle les hommes n’y trouveraient point de patrie, il y en a qui n’ont strictement aucune utilité et qui en outre, parce qu’ils sont uniques, ne sont pas échangeables et défient par conséquent l’égalisation au moyen d’un dénominateur commun tel que l’argent ; si on les met sur le marché on ne peut fixer leurs prix qu’arbitrairement. Bien plus, les rapports que l’on a avec une œuvre d’art ne consistent certainement pas à « s’en servir » ; au contraire, pour trouver sa place convenable dans le monde, l’œuvre d’art doit être soigneusement écartée du contexte des objets d’usage ordinaires. Elle doit être de même écartée des besoins et des exigences de la vie quotidienne, avec laquelle elle a aussi peu de contacts que possible. »
Hannah Arendt, La condition de l’homme moderne
All that is produced for money, for marketing is vile. Money is only a tool for simplifying exchanges, when Art is an absolute, a sacred that one could not demean to something as trivial as exchanges. Money has with it a whole history dating back several millennia of moral condemnation if not a religious or philosophical condemnation with Marx for example for whom money is an alienation. Obviously Art sells, and Art sometimes costs a certain price to be created, designed. However, for the time being, in a world where the last century has seen the advent of a decline in religion in modern societies, Art has taken the place of the sacred and cannot tolerate being described by its mercantile value, its market value. Many works also resist the desire of some to assess the monetary value of a work. And many people continue to refuse these values, speaking of « priceless » works. Finally, of course advertising is annoying and has never been so annoying in History. But it all depends on how you look at it. Untimely and unwanted, it seems unbearable. Otherwise, it speaks of the past, of the present too, of our lifestyles and acts as a mirror of a barely sublimated lifestyle …
Beneath : an other add by Jean-Paul Goude
Tout ce qui est produit pour l’argent, pour la commercialisation, est jugé vil. L’argent n’est qu’un outil de simplification des échanges, quand l’Art est un absolu, un sacré que l’on ne pourrait rabaisser à quelque chose d’aussi trivial que des échanges. L’argent a avec lui toute une histoire vieille de plusieurs millénaires de condamnation morale si ce n’est une condamnation religieuse ou philosophique notamment avec Marx pour qui l’argent est une aliénation. Evidemment l’Art se vend, et l’Art coûte parfois un certain prix à être créé, conçu. Pour autant et pour l’heure, dans un monde où le siècle dernier a vu l’avènement d’un recul du religieux dans les sociétés modernes, l’Art a pris la place du sacré et ne saurait tolérer qu’on le décrive par sa valeur mercantile, sa valeur sur le marché. Nombre d’oeuvres résistent d’ailleurs à cette volonté qu’ont certains d’évaluer la valeur monétaire d’une oeuvre. Et nombre de personnes continuent de refuser ces valeurs, parlant d’oeuvres « inestimables ». Pour finir, bien-sur que la publicité est agaçante et ne l’a jamais autant été dans l’histoire. Mais tout dépend de la façon dont vous la regarder. Intempestive et non désirée elle apparaît insupportable. Autrement, elle parle du temps passé, du temps présent aussi, de nos modes de vie et fait office de miroir d’un style de vie à peine sublimé…
Au-dessus : un autre spot publicitaire par Jean-Paul Goude
Critiques




Les défilés croisières sont désormais, l’apanage des grandes Maisons. Gucci ne pouvait donc pas échapper à la règle. C’est dans les années 1990 que la marque renoue avec son empreinte originelle à savoir, une mode éclatante voire criarde, mais jamais vulgaire, une accumulation d’influences toutes plus diverses pour une silhouette finalement, au tournant des années 2015-2020, assez pointue, voire intello. Mais se revendiquant d’une intellectualité différente que celle des adeptes des minimalismes d’alors du type de Yamamoto, ou encore d’aujourd’hui, de Margiela & l’Arte povera.
Ce défilé croisière, idéal pour les clientes, permettant de faire le pont entre les sempiternelles collections automne/ hiver & printemps/ été, réuni en quelques passages tout l’ADN de la Maison Gucci : un esprit baroque, second degré, dans une opulence d’artefacts. Après le passage retentissant de Tom Ford dans les 1990, c’est aujourd’hui Alessandro Michele qui se retrouve à la tête de la direction artistique et cela depuis 2015.
Fondée en 1921, la marque Gucci fait toujours tout fabriquer en Italie. A l’origine spécialisée en maroquinerie de luxe, l’ADN de la Maison se développe autour du domaine équestre ; le mors et l’étrier en deviennent l’emblème. Très vite, et dès 1930, la marque se diversifie dans les chaussures, gants, caleçons (…) et survit aux pénuries de matières premières de la période fasciste en diversifiant ses matériaux. C’est à cela que l’on doit le sac « Bamboo », doté d’une anse en bambou et d’un cuir de sanglier.
Les produits Gucci sont des créations qui se veulent intemporelles et éternelles. Gucci tâche saison après saison d’incarner le bon goût, partageant avec Vuitton ou encore Hermès l’univers élitiste de l’équestre. Pour autant, les années Tom Ford ont laissé une empreinte indéniable et célébré une femme sexy avec peu de subtilité et beaucoup de subversion.
Ainsi, la question que tous se pose dorénavant est de savoir si la silhouette proposée par Michele renoue avec cette volonté d’élégance et de raffinement, où est-ce qu’à l’instar d’un Tom Ford Michele fait de sa collection le manifeste d’un certain état des genres sexués ? L’adjectif « pop » issu de « popular », utilisé par le présent designer pour décrire son travail, s’applique-t-il à cette collection ?




Défilant dans la Galerie Palatine, au sein du Palais Pitti, la collection Cruise 2018 d’Alessandro Michele s’inspire de la Renaissance italienne. C’est la première fois qu’un défilé de mode se tient dans ce lieu, qui pour l’occasion recevra plus de 2 millions d’euros de la part de Gucci pour la restauration des jardins, et on ne peut que l’en féliciter au regard de la situation économique de l’Italie actuelle (…)
Cet attrait de la marque pour des lieux emblématiques de la culture ne date pas de ce show : en effet Gucci a déjà collaboré avec le Palais Strozzi à Florence, le Micheng Art Museum de Shanghai, la Chatsworth House en Angleterre et le LACMA à Los Angeles. Rien que l’année dernière, la Maison a révélé sa collection croisière dans le Cloître de l’abbaye de Westminster. Cette volonté de s’ancrer saison après saison dans des lieux emblématiques de la culture ne fait que confirmer ces liens devenant de plus en plus étroit entre l’art et la mode.
Michele, backstage, se livrant sur la collection, confiait que d’après lui, « le tout début de l’esthétique européenne a commencé à Florence », ce à quoi on pourrait bien entendu lui rétorquer que l’art florentin Renaissant tient pour beaucoup à l’époque Hellénistique… De cette vision quelque peu fantasmée de Florence on retiendra qu’il demeure effectivement quelque chose de propre à l’antique, considéré aujourd’hui comme classique des classiques. Mais à oser la comparaison entre la Napa Valley et Florence comme il le fait, nous n’irions sans doute pas jusque-là… On imagine que l’enthousiasme de la création prenant forme l’a sans doute dépassé (…)
“Dans cet endroit ce n’est pas le passé que l’on doit voir, mais plutôt la Napa Valley d’aujourd’hui, et son effervescence créative.” Michele.
Le Palais Pitti où s’est donc tenu le show, a cela de particulier qu’il illustre parfaitement le passage du Moyen Âge à la Renaissance. En effet, au cours du Moyen-âge, les châteaux étaient d’austères bâtisses édifiées pour l’autodéfense d’un territoire ou d’un pays et la protection de la population environnante. Une fois la guerre de cent ans enterrée, on passe, au siècle suivant, au règne des châteaux-palais, moins utilitaires, mais plus esthétiques, dévoilant d’une façon toute autre la richesse et donc la puissance de leurs propriétaires. C’est là que l’on peut voir un parallèle avec ces vêtements conçus non plus pour le confort mais pour l’esthétique pure, l’ornementation, le commentaire sur soi aux autres, au monde.
Retournons au défilé. L’ambition première d’Alessandro Michele était de faire le défilé au Parthénon athénien : « au commencement tout a commencé autour de la Méditerranée, les cultures grecques comme romaines. » Ne pouvant pas avoir Athènes, c’est vers Florence qu’il s’est tourné, la ville où l’argent et le pouvoir étaient réunis. Son style décalé et maximaliste ne pouvait trouver meilleur écrin que le Palais Pitti florentin, où la collection – inspirée de la Renaissance italienne – trouve le ton juste entre broderies, perles et ornementations multiples, et rappels fréquents à la modernité dans laquelle s’inscrit son travail : soit polos WASP, blouson aviateur début de siècle, couleurs blocks, imprimés 1960’s (…)
Au cours de la Renaissance, les vêtements sont souvent en velours ou en soie, matériau noble et coûteux. Les hommes de la haute société portent des collants et des fraises, le baroque donnent le ton au costume. Entre 1625 et 1670, le costume use d’imagination et de virtuosité : absence de mesure, recherche de mouvement, d’opposition, de liberté. Ainsi on évite la froide retenue réformiste et celle de la Contre-Réforme : on puise dans la profusion de détails, dans l’outrance qui ira jusqu’à la préciosité, à l’instar de Michele qui prend le parti de l’abondance.
La symétrie et l’équilibre ne sont plus de mise, ni alors, ni avec Michele, qui entremêle les vestiaires féminin et masculin, use et abuse des couleurs en faisant fît de leurs possibles complémentarités, et n’hésite pas à associer à des matières nobles autres joggings de coton. L’anachronisme fait autorité et suggère une forme de liberté de ton propre au fouillis.
« J’aime la culture populaire, c’est la raison pour laquelle j’apprécie tout particulièrement la Renaissance, qui est à mon sens très pop. « Pop » cela signifie que c’est compris par tous. » Michele.
C’est à cela, au baroque, que la silhouette Gucci doit son éclectisme, riche d’un syncrétisme propre à celui qui voyage, s’instruit et s’imprègne. Les Européens de la Renaissance eux, n’avaient pas pleinement conscience de leur identité culturelle. Selon l’historien anglais John Hale, ce fut à cette époque que le mot Europe entra dans le langage courant et fut doté d’un cadre de référence solidement appuyé par des cartes et d’un ensemble d’images affirmant son identité visuelle et culturelle.
Elément crucial lorsqu’on s’aperçoit qu’aujourd’hui, on peut s’habiller de la même façon à Londres comme à Milan. L’identité culturelle d’aujourd’hui en Europe ce sont des siècles d’histoire homogénéisés par des modes de vie qui s’interpénètrent et s’assimilent du nord au sud, de l’ouest à l’est, par les moyens de communication qui sont les nôtres.




Là où l’on pourrait frôler le mauvais goût, Alessandro a eu l’ingéniosité de prendre du recul quant à cette multiplicité de références toutes plus conséquentes les unes que les autres ; ainsi, si la collection dans son ensemble peut paraître légitimement fouillie, en réalité elle permet de remettre en question l’idée de goût : si l’on est à la limite de ce qu’un tel qualifierait de mauvais goût, c’est notamment pour amener le regardeur à s’interroger : le moins est-il le mieux, le rare est-il toujours beau ? Quelles références sont les miennes ? Pourquoi porter aujourd’hui ce que j’ai détesté hier ?
Nous sommes certainement au moins autant les légataires d’une histoire du vêtement et de ses codes, que ceux qui imposent et revendiquent une nouvelle manière d’appréhender notre époque. Le style d’Alessandro Michele se ressent dès l’arrivée des premières silhouettes, masculines et féminines, toujours ultra-colorées (bleu, vert, orange, rouge, violet) et riches en motifs, broderies, et autres décorations. Le directeur artistique de la maison joue la carte des mélanges : genres, matières, imprimés ou ornements. La collection relie les débuts de Gucci à l’histoire de la ville. Renommée pour sa délicatesse, la dentelle est l’emblème de la mode à la Renaissance. Cette veste en dentelle conçue par Michele rebrodée de fleurs et de feuilles rend hommage au passé tout en affichant des lignes contemporaines.
Le designer continue d’explorer la faune et la flore qu’il a fait siennes – roses roses, sur des robes plissées, poissons (symboles christiques?) sur tee-shirt on ne peut plus basique… Le chanteur Francesco Bianconi a défilé en costume avec un imprimé de tapisserie orné de roses rouges. L’excentricité est de mise : pantalon de jogging 1990’s porté avec une chemise à volants, manteau matelassé bordeaux, imprimé dragon sur col de veste rouge – Chinatown dans les 1980’s. L’excentricité, selon Michele, n’est pas un accident mais une façon de s’approprier une époque et d’exprimer une individualité, ce à quoi on pourrait ajouter de ne pas se laisser enfermer dans une tendance, un style, mais de les épouser toutes, se démarquant par ce biais de la mass mode.
Côté pièces, la maison propose de nombreuses robes fluides, longues et colorées, semblant avoir été conçues pour des déesses, mais aussi des robes en brocart ou en mousseline de soie, qui contrastent avec les mini shorts en denim ornés de motifs, les robes en cuir, ou encore les joggings iridescents. Des styles qui se complètent finalement plus qu’ils ne s’affrontent comme le montre un ensemble composé d’un jogging vintage surmonté d’un long manteau matelassé rose. On retrouve également le Logo GG utilisé pour la première fois dans les années 70. La collection Cruise 2018 rend hommage aux origines de Gucci en réintroduisant ce motif GG dans le prêt-à-porter, qui contraste avec un fond arc-en-ciel en harmonie avec la nouvelle esthétique de la Maison, et appuie cette atmosphère d’intemporalité.
Les pièces sont marquées de l’estampille Renaissance, de cette inspiration au cœur de la création du designer : la cape en fourrure de vison marron – pour ne citer qu’elle – présente dans sa doublure en soie à imprimé rose une broderie « Venere », en référence à la déesse romaine Vénus. La palette est vive et dynamique, avec un accent porté sur le rose encore (décliné en plusieurs harmonies) et l’or, bien sûr, très présent.
Côté détails, on retrouve beaucoup de nœuds, comme autant de citations et d’emprunts aux époques passées à décoder, sur le prêt-à-porter mais aussi sur les accessoires, et des fleurs, faisant écho aux motifs de la collection. Les couvre-chefs sont aussi présentés en nombre, plus excentriques que jamais, comme ces couronnes de lauriers qui viennent habiller la tête des mannequins, ou encore ces cagoules entièrement recouvertes de perles. Certains modèles défilent d’ailleurs avec des colliers de perles qui entourent non pas leur cou mais leur visage.
« Je pensais injecter du rock ‘n’ roll dans la collection, en pensant à des visages comme [Simonetta] Vespucci (muse de Botticelli, que l’on peut voir sur la toile des quatre saisons). Elle était rock’n’roll à l’époque. » Un modèle portait ses cheveux à la manière de Vénus (peinte par Botticelli), des perles et des couronnes de laurier très fines encadraient les visages des modèles alors qu’elles entraient, vêtus de robe courte en brocart avec un col roulé ou une robe en mousseline de soie plissée dans différentes nuances de rose. « J’aime le rose, c’est très puissant. Cela te fait te sentir douce et sexy, même si tu es un homme ». Michele
Les vestiges de l’ancien thème classique, ces couronnes dorées, ces diadèmes en argent au motif de lyres, les turbans léopard, foulards, bandeaux laineux, côtoient autres lunettes teintées quelque peu ringardes dirait-on aujourd’hui, les perles tissées dans les tresses de cheveux, un hommage certain à la perle irrégulière du baroque. L’œil italianisant de Michele pour l’excès et l’extravagance rôde sans entrave à travers les siècles, des impressions psychédéliques sur tailleurs aux robes de chambre Renaissance devenues seventies.




Cette saison, il y avait également des collants pailletés et imprimés au logo GG, des chaussettes, sur lesquelles on pouvait voir des impressions de tête de loup, motif spirituel repris par certains bikers américains aux tribus indiennes et donc repris par Michele ici. Sans compter ces slogans Guccy, Guccification, et Guccifiez-vous. A l’image du logo omniprésent, tout sauf discret, et filé sur des jupes midi, des pantalons pour hommes, ainsi que des bombers et des fourrures, faisant office de véritables « hiéroglyphes, pop symboles » dans l’esprit de Michele. L’ambition de la Maison est donc de « Gucchifier ». Il y a la volonté de jouer avec les codes, de faire de reprises de reprises et de l’auto-parodie, consciente.
Ce qui empêche de tomber dans une lecture premier degré est l’étrangeté sous-jacente: il y a quelque chose d’inquiétant dans ces silhouettes qui défilent. Teints grisés, œil vide, ils ressemblent à s’y méprendre à ces hommes robotisés que l’on voit dans le film « Bienvenu à Gattaca ». Peut-être n’y a-t-il pas de grandes profondeurs politiques, mais il y a un sous-texte que le public n’a pas vu, car ils étaient littéralement assis dessus. Michele avait les lignes de « A Song For Bacchus », un poème écrit au 15ème siècle par Lorenzo de Medici, brodé sur les sièges sur lesquelles ils étaient assis :
Chants de Carnaval de Lorenzo de’ Medici
Combien belle est la jeunesse : Elle ne cesse de fuir.
Qu’à son gré chacun soit en liesse, Rien n’est moins sûr que demain.
C’est Bacchus et Ariane, Beaux et brûlants l’un pour l’autre : Leur bonheur est d’être ensemble, Car le temps s’enfuit, trompeur.
Ces nymphes et tout le monde Ne cessent d’être en gaîté. Qu’à son gré chacun soit en liesse, Rien n’est moins sûr que demain.
Il s’agit donc de célébrer la vie, et les vies, de ces hommes et ces femmes qui nous ont précédés, et dont on hérite une part de notre culture, avant que l’on disparaisse à notre tour. Là est sans doute puisé ce caractère orgiaque, cette volonté de tout voir tout faire tout porter avant d’être emporté. Inspiré par le Carnaval de Florence où il a l’habitude de se rendre, Laurent de Médicis sacrifiait bien volontiers tout lyrisme au ton enjoué de la plupart de ces ballades. Ici, on peut lire un hymne à la vie : il compose d’abord dans le style comico-réaliste, parodique et caricatural, faisant écho au fouillis de Michele.
Avec cet aphorisme, inspiré de Médicis, Alessandro Michele a résumé sa collection croisière Gucci, présentée lundi soir à la galerie Palatine du Palais Pitti, qui, bien sûr, combinait des éléments chers au designer – ses riches broderies et décorations, ainsi que cette opulence, tant dans les couleurs que dans les matériaux, cette profusion de codes que l’on retrouve exemplifiée sur Elton John, l’un de ses invités de premier rang, qui portait une veste sombre mais pailletée. Pailletée et munie d’une broderie de lézard multicolore sur l’un des bras, le lézard étant le dérivé du serpent dans la symbolique aztèque, qui a la particularité d’être considéré comme un ami de la maison, on aura compris que certains invités répondent au designer.
Pour finir, les chanceux qui étaient invités au défilé ont eu la surprise de repartir avec une boîte conçue comme un souvenir de Florence, une boîte sur laquelle était estampillée des feuilles d’orties, accompagnée d’un chapeau de la marque dans un sac de jute : « C’est une belle boîte, mais vous ne savez pas si c’est un poison, un médicament ou un parfum. Cela vient de Nouvelle-Zélande, et c’était ce qu’il y avait de plus exotique à porter à la Renaissance. C’était très rare, mais à cette époque, vous pouviez le trouver à Florence, ce qui ne manque pas d’illustrer la richesse de cette époque. »




C’est au sein de la sublime Galerie Palatine du Palais Pitti qu’Alessandro Michele avait choisi de faire défiler sa collection croisière 2018. Les différentes silhouettes Gucci témoignent une fois de plus de la folie créative du directeur artistique de la maison qui parvient malgré le tourbillon de matières, de couleurs et d’influences à conférer à la collection une harmonie baroque, donc irrégulière mais non moins exigeante.
Quoi qu’il en soit, il convient de relever qu’Alessandro, avec l’aide de son PDG Marco Bizzari, a su faire preuve d’habileté quand il a s’agit de marquer un retour définitif à l’artisanat italien, allant jusqu’à créer des coopératives ouvrières spécialisées en maroquinerie. Sous l’impulsion d’Alessandro Michele, directeur artistique, Gucci a redéfini le luxe de sa Maison tout en renforçant sa position parmi les maisons de couture les plus convoitées au monde, s’inspirant sans doute des « petites mains » que l’on retrouve chez LVMH et chez Chanel. Le cadre a pu aider, même si l’idée d’un défilé en plein hangar aurait pu également s’y prêter, tant il fait sens.
Tant en termes de confection, que de sens donné à la collection, Michele a su capter l’esprit de son temps, qui n’a guère plus envie d’être encastré dans un style, un mouvement, mais de les embrasser tous, dans une harmonie hétéroclite. Si à première vue les silhouettes apparaissent un peu fouillies dans les termes, foutraque dans le sens qu’on peut lui conférer, en y réfléchissant un peu plus, on s’aperçoit qu’elle représente la quintessence de notre époque : une profusion difficile à maîtriser, riche de symboles et de codes qu’un spécialiste seul peut déchiffrer tant le tout est intellectualisant à outrance.
Pas vraiment populaire, mais pop au sens de polyphonique, polysémique et exaltant. Hommes et femmes défilent ensembles, et la femme n’est plus l’avatar – ou du moins le seul avatar – de ce que l’on mitraille du regard et objectise. Féminin et masculin sont encore un peu moins des genres en couture, mais davantage des problématiques de mesures : largeur d’épaule, courbure de la veste. En somme, il nous a été présenté un débordement maitrisé, une harmonie convaincante, desquelles s’exhalait une appétence pour le bel anachronisme.












The taste of beautiful anachronism
Cruises shows are now the prerogative of Maisons de couture. Gucci does not want to step down. It’s in the 1990s that the brand returns to its original imprint, a dazzling fashion, but never vulgar, an accumulation of all kinds influences, at the turn of the years 2015-2020, quite sharped, even intellectual. But claiming an intellectual difference as followers of minimalism like Yamamotos, or today Margiela.
This cruise show, ideal for customers, to bridge the autumn/winter & spring/summer collections, gathered in few passages all the DNA of the Gucci House : a baroque spirit, second degree, with opulent artefacts. After the resounding passage of Tom Ford in the 1990s, it’s now Alessandro Michele who has been at the head of the artistic direction since 2015.
Founded in 1921, the Gucci brand still manufactured everything in Italy. At the origin of luxury leather goods, the DNA of the House develops itself around the equestrian world ; bit and stirrup become emblems. Very quickly, and as early as 1930, the brand diversified into shoes, gloves, underpants (…) and survived the shortages of raw materials of the fascist period by diversifying its materials. This is what we owe the « Bamboo » bag, with a bamboo handle and boar leather.
Gucci products are creations that focuses on being timeless and eternal. Gucci’s task season after season is to embody good taste, sharing with Vuitton or Prada the elitist world of equestrianism. However, Tom Ford years have left an undeniable impression and celebrated a sexy woman with few subtlety and a lot of subversion.
Thus, the question that all raises is to know if the silhouette proposed by Michele renews with this will of elegance and refinement, or if itis like in Tom Ford years, a manifesto of a certain state of gender? Does the adjective « pop » of « popular » apply to this collection?
Strolling through the Palatine Gallery in the Pitti Palace, Alessandro Michele’s Cruise 2018 collection is inspired by the Italian Renaissance. This is the first time that a fashion show is being held in this place, which for the occasion will receive more than 2 million euros from Gucci for the restoration of gardens, that we can only congratulate in view of the economic situation in Italy today (…)
This attraction of the brand for emblematic places of culture does not date from this show: in fact Gucci has already collaborated with the Strozzi Palace in Florence, the Micheng Art Museum in Shanghai, Chatsworth House in England and LACMA in Los Angeles. Just last year, the House revealed its cruising collection in the Cloister of Westminster Abbey. This desire to anchor season after season at emblematic places of culture only confirms these links becoming closer and closer between art and fashion.
Michele, backstage, indulging on the collection, confided that « The very beginning of European aesthetics began in Florence, » to which we could of course retort that the Florentine Renaissance art come very much from the Hellenistic era … From this somewhat fantasized vision of Florence we will remember that there’s indeed something unique to the antique, considered today as classic classics. But to dare the comparison between Napa Valley and Florence as he does, we probably would not go so far … We imagine that the enthusiasm of creation taking shape probably exceeded him (…)
« This place is not about the past, it’s like Napa Valley now, with everything happening. » Michele
The Palazzo Pitti, where the show was held, has the particularity that it perfectly illustrates the transition from Middle Ages to Renaissance. Indeed, during Middle Ages, castles were austere buildings built for the self-defense of a territory or a country and the protection of the surrounding population. Once the hundred-year-old war was buried, the next century was spent in the reign of palaces, less utilitarian, but more aesthetic, revealing in another way wealth and power of their owners, where one can see a parallel with these clothes conceived no more for the comfort but for pure aesthetic, ornamentation, comment on oneself to the others, to the world.
Let’s go back to the show. Alessandro Michele’s first ambition was to make the show at the Athenian Parthenon: « In the beginning everything started around the Mediterranean, Greek as well as Roman cultures. » Not having Athens, he turned towards Florence, the city where money and power were prolifique. His quirky and maximalist style could not find a better setting than the Florentine Pitti Palace, where the collection inspired by Italian Renaissance finds the right tone between embroidery, pearls and multiple ornamentation, and frequent reminders of modernity in which his work is written: either WASP polos, bomber of beginning of XX century, block colors, 1960’s printed (…)
And indeed, during the Renaissance, clothes are often made of velvet or silk, a noble and expensive material. Men of high society wear tights and strawberries, baroque set the tone for suits. Between 1625 and 1670, costume uses imagination and virtuosity: lack of measurement, search for movement, opposition, and freedom. Thus one avoids the cold restraint of Reform and that of the Counter-Reformation: one draws on the profusion of details, in the excess that will go to the preciousness.
Symmetry and balance were no longer appropriate, neither with Michele, who mixes female and male locker rooms, uses and abuses colors by making their possible complementarity, and does not hesitate to associate with noble materials like jogging cotton. Anachronism is authoritative and suggests a form of freedom of your own clutter. « I like popular culture, which is why I particularly enjoy the Renaissance, which I think is very pop. « Pop » means it’s understood by everyone. A. Michele.
This is why, in Baroque, the Gucci silhouette owes its eclecticism, rich of a syncretism peculiar to the one who travels, educates and impregnates himself. The Europeans of the Renaissance were not fully aware of their cultural identity. According to the English historian John Hale, it was at this time that the word europe entered into everyday language and had a frame of reference firmly supported by maps and a set of images asserting its visual and cultural identity.
Crucial element when one realizes that today, one can dress the same way in London as in Milan. Cultural identity of today in Europe is centuries of history homogenized by ways of life that interpenetrate and assimilate from north to south, from west to east, by means of communication that are ours.
Where one could be closed to bad taste, Alessandro had the ingenuity to take a step back with regard to this multiplicity of references all more important than the others ; thus, if the collection as a whole may seem legitimate clutter, in reality it allows to question the idea of taste: if one is at the limit of what can be qualified as bad taste, it’s especially to make the viewer question himself: the less is it the better, the rare is it always beautiful? Which references are mine? Why should I wear today what I hated yesterday?
We are certainly at least as much the legatees of a history of clothing and its codes, as those who impose and claim a new way of apprehending our era. The style of Alessandro Michele is felt from the arrival of first silhouettes, male and female, always ultra-colored (blue, green, orange, red, purple) and rich in patterns, embroidery, and other decorations. The artistic director of the house plays the card of mixtures: genres, materials, prints or ornaments. The collection linked Gucci’s debut to the history of the city. Renowned for its delicacy, lace is the emblem of fashion in Renaissance. This lace jacket embroidered with flowers and leaves, pays tribute to the past while displaying contemporary lines.
The designer continues to explore fauna and flora that he has made – pink roses, pleated dresses, fish on T-shirt … Singer Francesco Bianconi paraded in costume with a tapestry print adorned with red roses. The eccentricity is the order of the day: 1990’s jogging pants worn with a ruffled shirt, burgundy quilted coat, dragon printed on red jacket collar – Chinatown in the 1980’s. Eccentricity, according to Michele, is not an accident but a way of appropriating an epoch and expressing an individuality, to which one could add not to be locked in a trend, a style, but marrying them all, standing out through the mass mode.
As for the rooms, the house offers many flowing, long and colorful dresses that seem to have been designed for goddesses, but also brocade or chiffon dresses, which contrast with mini denim shorts decorated with patterns, leather dresses, or iridescent jogging. Styles that complement each other more than they clash as shown in a set consisting of a vintage jog surmounted by a long quilted pink coat. There’s also the GG Logo used for the first time in the 70’s. The 2018 Cruise collection pays tribute to the origins of Gucci by reintroducing GG motif in ready-to-wear, which contrasts with a rainbow background in harmony with the new aesthetic of the House, and supports this atmosphere of timelessness.
Pieces are marked with Renaissance stamp, this inspiration at the heart of the designer’s creation: the brown mink fur cape – to name only one – has « Venere » embroidery in its pink print silk lining, in reference to the Roman goddess Venus. The palette is lively and dynamic, with a focus on the rose (declined in several harmonies) and gold, of course, very present.
In regards to details, we find many nodes, on ready-to-wear but also on accessories, and flowers, echoing grounds of the collection. The headgear is also presented in numbers, more eccentric than ever, like the laurel crowns that come to dress heads of models, or these hoods entirely covered with pearls. Some models have it with pearl necklaces that surround not their neck but their faces.
« I was thinking of injecting rock ‘n’ roll into the collection, thinking of faces like [Simonetta] Vespucci (Botticelli’s muse, which can be seen on canvas of the four seasons). She was rock’n’roll at the time. A model wore her hair in the style of Venus (painted by Botticelli), pearls and laurel wreaths framed the faces of the models as they entered, dressed in short brocade dress with a turtleneck or a dress chiffon pleated in different shades of pink. « I like pink, it’s very powerful. It makes you feel sweet and sexy, even if you are a man. » Michele
Remains old classical theme, these gilded crowns, these silver tiaras with lyres, leopard turbans, scarves, woolly headbands, rub shoulders with other slightly dull tinted glasses, pearls woven into braids, a certain tribute to the irregular pearl of Baroque. Michele’s italianizing eye for excess and extravagance prowls unhindered through the centuries, psychedelic impressions on tailors to the vestiges of old classic theme, these golden crowns, these silver diadems with lyres, leopard turbans, scarves, woolly headbands, rub shoulders with other glasses tinged somewhat nerdy, pearls woven into the braids of hair, a tribute to the irregular baroque pearl.
This season, he had glittery tights and printed with GG logo, socks, on which we could see impressions of wolf head, symbol borrowed from American Indians by bikers, then reinterpreted here by Michele. Not to mention these slogans : Guccy, Guccification, and Guccify yourself. Like the omnipresent logo, all but unobtrusive, and spun on midi skirts, men’s trousers, as well as bombers and furs, acting as real « hieroglyphs, pop symbols » in Michele’s mind. The ambition of the House is to « Gucchifier ». There’s will to play with codes and to make self-parody, conscious.
What prevents it from falling into a reading first degree is the underlying strangeness: there’s something disturbing, almost of order of the undead, in these silhouettes. Gray-skinned, empty-eyed, they look just like robots men we see in the film « Welcome to Gattaca ». Maybe there are not great political depths, but there’s a subtext that public did not see because they were literally sitting on it. Michele had the lines of « A Song For Bacchus », a poem written in the 15th century by Lorenzo de Medici, embroidered on the seats on which they sat:
Carnival songs by Lorenzo de ‘Medici
How beautiful is the youth: She keeps running away. That, at pleasure, everyone is jubilant,
Nothing is less certain than tomorrow. It’s Bacchus and Ariadne, Fine and burning for each other:
Their happiness is to be together, Time runs away, deceptive. These nymphs and everyone don’t stop being cheerful.
That, at pleasure, everyone is jubilant, Nothing is less certain than tomorrow.
It’s therefore a question of celebrating lives and lives of those men and women who have come before us, and of whom we inherit a part of our culture, before we disappear in our turn. There’s no doubt that this orgiastic character, this desire to see everything to wear before being carried away. Inspired by the Carnival of Florence, where he is accustomed to surrender, Laurent de Medici willingly sacrifices all lyricism to the cheerful tone of most of these ballads.
With this aphorism, inspired by the Medici, Alessandro Michele summed up his Gucci cruises collection, presented Monday evening at the Palatine gallery of the Pitti Palace, which, of course, combined elements dear to the designer – his rich embroidery and decorations, as well as this opulence in both colors and materials, this profusion of codes found exemplified on Elton John, one of his first guests, who wore a dark but glittery jacket sequined with multicolored lizard embroidery on one of the arms, the lizard being the derivative of serpent in azteque symbolism, which has the distinction of being considered a friend of the house, it will be understood that some guests respond to the designer.
Finally, the lucky ones who were invited to the show had the surprise to leave with a box conceived as a souvenir of Florence, a box on which was stamped sheets of nettles, accompanied by a hat of the mark in a bag of jute: « It’s a beautiful box, but you don’t know if it’s a poison, a medicine or a perfume. It comes from New Zealand, and it was the most exotic thing to wear in the Renaissance. It was very rare, but at that time you could find it in Florence, which does not fail to illustrate the richness of this time. «
It’s in the sublime Palatine Gallery of Pitti Palace that Alessandro Michele chose to scroll through his 2018 cruise collection. The different Gucci silhouettes once again testify the creative folly of the artistic director of the house who manages despite the swirl of materials, colors and influences to confer to the collection a baroque harmony, therefore irregular but not less demanding.
Be that as it may, it should be noted that Alessandro, with the help of his CEO Marco Bizzari, has been able to be clever when it comes to marking a definitive return to Italian crafts, ranging to create workers’ cooperatives specialized in leather goods. Under the leadership of Alessandro Michele, Artistic Director, Gucci has redefined luxury of his House while strengthening its position as one of the most coveted couture Houses in the world, no doubt inspired by the « petites mains » that one found at LVMH and at Chanel. The executive could help, even if the idea of a show in the middle of hangar would have worked, as long as it makes sense.
Michele, both in terms of clothing and meaning given to the collection, has captured the spirit of his time, which hardly wants to be embedded in a style, a movement, but to embrace them all, in a heterogeneous harmony. If at first glance silhouettes appear a little fuzzy in terms, foutraque in sense that we can confer, thinking a little more, we realize that it represents quintessence of our time: profusion difficult to master, rich in symbols and codes that only a specialist can decipher as the whole is intellectualizing to excess.
Not really popular, but polyphonic pop, polysemic and exhilarating. Men and women on the same show, together, as women are no longer avatar – or at least the only avatar – of what one grazes the eye and objects. Feminine and masculine are still less of a kind in sewing, but more problematic measures: shoulder width, curvature of the jacket. In short, we were presented with a controlled overflow, a convincing harmony, from which exhaled an appetite for beautiful anachronism.




















































































Galerie

















Martin Parr
Photographier le vulgaire
Photographe britannique membre de la coopérative Magnum Photos – créée par Henri Cartier – Bresson, Martin Parr n’en finit plus d’intéresser le monde de l’art. Ses travaux dressent le portrait peu flatteur et parfois ironique mais relativement réaliste de ses sujets, anonymes et si communs, inventoriant les habitudes de vie des britanniques de l’ère Thatcher – et post Thatcher. Une certaine vision de cette société où la consommation de masse et ses excès deviennent le sujet principal, et où Parr se laisse quelques fois aller à des retouches particulièrement significatives, d’un mode de vie où entre la représentation – dans la publicité par exemple – et la réalité, s’immisce un décalage, parfois un peu grossier…
La photographie apparait au XIXème siècle en France, ouvrant alors la voie à de nouvelles expérimentations en art et à la reconsidération d’un medium déjà vieux de 40 000 ans : celui de la peinture. En deux siècles à peine, la pratique aura subi un certain nombre de bouleversements caractéristiques de l’ère industrielle, post industrielle puis technologique.
En effet, l’objet de la représentation stricte du réel telle que l’œil le perçoit, va passer de la peinture à la photographie, la première ayant été distancée – et de loin – par les progrès de la technique. Puis va passer des mains de l’expert scientifique à celles de l’artiste, puis d’absolument tous, quidam comme expert, scientifiques et artistes, jusqu’à devenir un acte aussi consacré qu’ordinaire.
Si la photographie depuis deux siècles a pu être le lieu de l’expérience, de la science et de l’exploration, s’éloignant ainsi d’une volonté descriptive et objective du réel, ici même et avec Martin Parr, elle en redevient le prétexte ouvrant alors la voie à un travail situé entre documentaire, inventaire, passant en revue les modes de vie actuels, communément qualifiés de « consommation de masse ».
Prétexte à plaisanteries et railleries en tous genres, le résultat de cette œuvre documentaire est incontestablement esthétique, volontairement haptique et kitsch tout à la fois. Il se situe exactement à la lisière entre travail plastique et désir de témoigner d’une période donnée. Ces images une fois classifiées témoignent d’un nouvel espace propre à la collection dont la source est le réel et son instantanéité, l’ordinaire et la répétition, la classe moyenne et le quidam.
Cette esthétique populaire a été rendue possible par l’équipement de chacun, hommes femmes & enfants, en matériel de capture photographique, de ces éléments mémoriels qui témoignent jour après jour d’une réalité indicielle où les détails pris sur le vif et particulièrement répétitifs sont autant d’éléments faisant état d’une époque et de ses modes de vie, et des individus qui la composent.
Le lieu de la photographie embrasse alors le corps social dans son entièreté, la réalité devenant le lieu de la répétition fonctionne alors comme un espace propre à l’uniformisation des modes de vie et prenant donc la forme de l’archive. La particularité de Parr étant alors de se situer entre sériosité documentaire et partis pris pour une distanciation quelque peu ironique. Le réel est converti en document et les habitus dont il témoigne quelque peu moqué.
A la fois photographie indicielle et mémorielle, le travail de Martin Parr est celui d’un archiviste qui se plait à voguer entre collectionnisme et lois des séries, anthropologie des modes de vie occidentaux et esthétisation kitsch propre à l’art du tout début du XXIème siècle, il est le reflet de ce paradigme propre à la photographie, instrument d’étude, de connaissance, de création et loisir à portée de mains.









Martin Parr
Photographing vulgarity
British photographer member of Magnum Photos – created by Henri Cartier-Bresson, Martin Parr never ceases to interest the art world. His works paint a disturbing picture and sometimes ironic but relatively realistic of people, anonymous and common ones, inventorying lifestyle of British Thatcher’s era – and post Thatcher. A vision of a society where mass consumption and excesses become the main subject, and when Parr does some significant alterations, of a lifestyle where between representation – in advertising for example – and reality intrudes a lag, sometimes a bit rude…
Photography appears in the nineteenth century in France, opening the way to new experiments in art and reconsideration of a medium already old of 40 000 years: painting. In just two centuries, the practice has undergone a number of changes characteristic of the industrial era, post-industrial and technological.
Indeed, the purpose of strict representation of reality (the perception of eyes), will move from painting to photography, the first having been lagging – by far – by the progress of technology. Then it will pass from the hands of scientists to those of artists, then absolutely everyone, as quidam as expert, scientists and artists, becoming an usual act.
If photography for two centuries has been the place of experience, science and exploration, moving away from a descriptive and objective determination of reality, here and with Martin Parr, it becomes the pretext which open the way to work between documentary, inventory, reviewing current lifestyles, commonly called « mass consumption ».
Excuse for mockery of all kinds, the result of this documentary work is undeniably aesthetic, haptic and deliberately kitsch. It is located exactly on the border between plastic work and desire to witness a given period. These images once classified, reflect a new space in the collection whose source is reality and its immediacity, routine and repetition, the middle class and the typical person.
This popular aesthetic was made possible by the democratization of equipments, men women & children, being able to possess cameras. These memorial equipments allow to capture elements that reflect everyday reality, creating an index where details taken from life are particularly repetitive, indicating a time, its lifestyles, and individuals who compose it.
The place of photography then embraces the social body as a whole, reality becoming the place of repetition functions as a clean space to standardization of lifestyles and therefore the form of archives. The particularity of Parr’s works is this place between seriousness of documentary, and biases to a somewhat ironic distancing. Reality is converted into historical document and habitus which demonstrates in his work some fun.
Both index and memorial photography, the work of Martin Parr is that of an archivist who likes to sail between collection and laws of the series, anthropology of Western lifestyles and kitsch aestheticism of art of the early twenty-first, it is a reflection of this photography paradigm, traditional instrument, knowledge, creativity and entertainment at hand of everyone.




























































Papiers
« Je me suis intéressé au flou qui existe entre la réalité et la fiction, la nature et l’artifice, la beauté et la décadence. »
« I looked at the blurred lines between reality and fiction, nature and artifice, and beauty and decay. »
Gregory Crewdson





Né à Brooklyn en 1962, ce virtuose de la photographie réinvestit dans son travail, et non sans un certain brio, anecdotes névrotiques et récits oniriques des patients de son psychanalyste de père.
Non content de travailler le registre cinématographique, s’entourant d’équipes de cinéma, production et postproduction, son travail évoque vraisemblablement la peinture réaliste, d’Edward Hopper principalement, partageant avec le peintre un silence expressif, duquel émanent tensions, angoisses et mouvements de l’âmes, et au cinéaste David Lynch bien entendu – pour son imagerie quelque peu surréaliste et surtout onirique, où la narration est parfois difficilement lisible mais très esthétique.
Car si le conscient reconstitue – autant que faire se peut – l’image du rêve, ne lui restant à l’esprit qu’une ou deux images, accompagnée d’une atmosphère, du sentiment quelconque du rêveur au réveil , Crewdson ici reproduit chaque élément à la manière d’une scène de studio de cinéma, depuis l’image telle que l’artiste la conçoit jusqu’au tableau final, ayant nécessité une équipe digne des plus grands studios de cinéma.
Dans les compositions de l’artiste, tout est construit, voire reconstruit : les villes, ses rues, ses bois, les façades ou intérieurs des logements jusqu’à la lumière du ciel, chaque élément est recomposé depuis des souvenirs d’enfance de l’artiste, de ces récits tel qu’enfant il les entendaient furtivement à travers la porte du cabinet de son père, jusqu’aux seules images mentales qui ont pu résister au temps et qu’il choisit aujourd’hui de représenter. Décors, effets spéciaux, éclairages, se prêtent à cet exercice, documentant à travers une esthétique cinématographique la quiétude et l’inquiétude du monde du rêve.
La profusion de détails – faisant figure de preuves – et d’éléments informatifs, tranche littéralement avec la photographie à laquelle nos yeux sont accoutumés, à savoir des espaces épurés et lisse, des images saisies au vif et des personnages en mouvement là où chez Crewdson ces figures hiératiques invitent au décryptage et au songe éveillé. Ses photographies sont d’un autre genre. Elles sont l’irreprésenté par excellence, le fuyant, passant des vapeurs d’un sujet endormi à la fugacité de son éveil et de sa vision quittant peu à peu l’oeil de l’esprit appesanti pour renouer avec la concrétude de l’existence éveillée.
Born in Brooklyn in 1962, this virtuoso of photography reinvests in his work, and not without a certain brio, neurotic anecdotes and dreamlike tales of the patients of his father psychoanalyst.
Not content with working on the cinematographic register, surrounded by film, production and post-production teams, his work evokes presumably realistic painting, mainly by Edward Hopper, sharing with the painter an expressive silence, from which emanates tensions, anxieties and movements of the souls, and to the filmmaker David Lynch of course – for his somewhat surreal and above all dreamlike imagery, where narration is sometimes difficult to read but very aesthetic.
For if consciousness reconstructs the image of the dream with difficulty, remaining to mind only one or two images, accompanied by an atmosphere, any feeling of the dreamer upon awakening, Crewdson here reproduces absolutely every element in the manner of a scene from a film studio, from the image as the artist conceives it to the final table, requiring a team sign of the largest film studios.
In the artist’s compositions, everything is built and even reconstructed: the cities, its streets, its woods, the facades or interiors of the dwellings until the light of the sky, each element is reconstituted from childhood memories of the artist, from these narratives such as a child he could have heard furtively through the door of his father’s psychoanalysis cabinet, to the mental images that have been able to resist time and which he now chooses to represent. Decorations, special effects, lighting, lend themselves to this exercise, documenting through a cinematic aesthetic, the tranquility and anxiety of the dream world.
The profusion of details – evidence as evidence – and informative elements, literally contrasts with the photograph to which our eyes are accustomed, namely clean and smooth spaces, seized images and moving characters where on Crewdson’s works, these hieratic figures invite the deciphering and the awakened dream. His photographs are of a different kind. They are the irrepresented, fleeing from the vapors of a sleeping subject to the fugacity of his awakening and his vision gradually leaving the eye of the weighed mind to reconnect with the concreteness of an awaken existence.










Généralement réalisées en studio, ces photographies ne sont donc en rien improvisées : les scènes sont travaillées comme de véritables compositions picturales, où chaque détail possède son sens, de manière intrinsèque mais aussi extrinsèque, au sens où le moment choisi, celui du rêve et de la situation chimérique représentée, éveille chez le regardeur un élan certain vers une volonté d’identification, une mémoire, une projection, depuis le travail de l’artiste jusqu’aux tréfonds de l’intime.
L’univers onirique de ces séries photographiques est le lieu de la narration certes, mais aussi et surtout d’un certain malaise propre au rêve et à son image, entre aurore, nuit et crépuscule, entre matinées ensommeillées d’angoisses, sommeil profond et éveil délicat. Il n’est qu’à prêter attention aux visages des figurants, tour à tour fantomatiques, absents, hagards, pour sentir le malaise envahir n’importe quel regardeur. Malaise qui rend avide de déchiffrer l’enjeu, tantôt pour se libérer d’un conflit latent, tantôt pour saisir l’essence de la composition.
Une composition donc et non une complète narration, un instant figé sur la surface photosensible de l’appareil, faisant miroir à ces autres images fugaces figées dans l’oeil d’une mémoire qui semble plus trahir l’éveillé que le renseigner. Images qui parviennent donc furtivement à la conscience une fois sortie de la torpeur de ce long sommeil, et desquelles il s’agit de se délivrer, de donner sens ou d’oublier, prenant alors le risque que les scènes réapparaissent la nuit venant. Des images où les détails fusent mais interrogent davantage qu’ils n’informent. Laissant alors au regardeur ou au rêveur, le soin de ressasser jusqu’au sens occulté par l’éveil.
« Comme une histoire figée à jamais entre l’avant et l’après, demeurée toujours irrésolue. » Gregory Crewdson
Crewdson donne à voir, et d’une fabuleuse manière, une Amérique de la middle classe, en proie aux rêves les plus fantaisistes et non moins lugubres, où le bleu du ciel noircit par la nuit fait référence à cet ailleurs que constitue le sommeil. Où ces nuits inquiétantes, ces rêves difficilement descriptibles de rêveurs anonymes, que l’oreille de son père avait déjà probablement du chercher à détailler. Ces récits de patients, dont les rêves traquaient alors l’essence de la névrose, dans ces détails insignifiants mais non moins virulants dont le photographe s’empare dans ces compositions.
Cet ésotérisme de l’image, dans la lignée de Jeff Wall, aux mises en scènes au moins aussi minutieuses, exigeantes et précautionneuses, témoignent d’une intensité bien spécifique au monde du rêve, de la névrose, accentuée par un certain mystère émanant de ces constructions bien particulières que sont les photographies de Gregory Crewdson.
© Photographies Gregory Crewdson
Generally, these photographs are in no way improvised: the scenes are worked as real pictorial compositions, in which every detail has its meaning, intrinsically but also extrinsically, in the sense that the chosen moment, that of the dream and the chimerical situation represented, arouses in the viewer a certain impulse towards a desire for identification, a memory, a projection, from the work of the artist to the depths of the intimate.
The oneiric universe of these photographic series is the place of narration, but also and above all, a certain uneasiness peculiar to the dream and its image, between dawn, night and twilight, between sleepy moments of sleep, deep sleep and delicate awakening. It is only to pay attention to the faces of the extras, alternately ghostly, absent, haggard, to feel the discomfort invade any looker. This discomfort makes us eager to decipher the stakes, sometimes to free ourselves from a latent conflict, sometimes to grasp the essence of the composition.
A composition, therefore, not a complete narrative, a moment fixed on the photosensitive surface of the camera, mirroring those other fleeting images frozen in the eye of a memory that seems to betray the awakened rather than to inform it. Images that reach the consciousness once they are out of the torpor of this long sleep, and from which it’s a question of freeing ourselves, of giving meaning or of forgetting, taking then the risk that the scenes reappears at night coming. Images where details spark but interrogate more than they inform. Leaving then to the viewer or to the dreamer, the care of reasserting until the hidden sense, by the awakening.
« Like a story that is forever frozen in between moments, before and after, and always left a kind of unresolved question. »
Gregory Crewdson
Crewdson shows, in a fabulous way, an America of the middle class, a prey to the most fanciful and no less lugubrious dreams, where the blue sky blackens by night refers to that elsewhere that constitutes sleep. Where these disturbing nights, these dreams, hardly descriptive of anonymous dreamers, which the ear of his father had probably already had to seek to detail. These narratives of patients, whose dreams were then tracing the essence of neurosis, in these insignificant but no less virulent details of which the photographer seizes in these compositions.
This esoteric image, in the line of Jeff Wall, with at least as meticulous, exacting and precautionary staging, testifies to intensity very specific to the world of dreams and neurosis, accentuated by a certain mystery emanating from these particular constructions, which are the photographs of Gregory Crewdson.
© Photographs Gregory Crewdson










Papiers

















Après avoir travaillé chez Givenchy, Jean-Paul Gaultier ou encore Torrente, Julien Fournié pour ce troisième défilé impose sa présence parmi les grandes maisons de couture parisiennes. Le jeune Fournié se plait à défendre une couture que l’on se prend à porter aisément. En octobre dernier, il dévoilait déjà des silhouettes frêles et graciles. Fidèle à ses « femmes fragiles et vulnérables » il offre un travail considérable pour une jeune maison qui vient à peine d’éclore.
Son identité s’affirme notamment par la reprise de codes qui étaient déjà présents lors des deux premières présentations, s’intéressant aux textures, à la chromatique, à la plasticité de certaines pièces ou encore à façon dont les silhouettes se meuvent une fois parées de ces vêtements. Vêtements qui justement prennent l’apparat d’une seconde peau, épousant les courbes du corps sans l’obstruer, mais au contraire en le renforçant ici et là, jusqu’à remplacer certains éléments anatomiques : en effet, une des robes a cela de particulier que le mamelon y est sculpté à même le vêtement, dessinant le sein à même le vêtement, dévoilant l’intimité.
La collection composée de raphia, plumes, mousseline, satin, organza, fourrure – pour les plus patents – servent des volumes veloutés de légèreté. Les jupes sont asymétriques, les pantalons ont la fluidité des sarouels, réinterprétés ici, les fourreaux sont près du corps. On retrouve la finesse et la délicatesse du textile. Les organzas chair de l’hiver précédent se sont cendrés de tonalités diverses. On retrouve des constantes de matières du premier show de 2009 à ce troisième défilé : les tissus sont fluides et délicats, la soie et le cuir s’entrelacent, ce dernier allant jusqu’à adopter la délicatesse de la soie.
Des variantes : des éléments de modernité font leur apparition tels le zip – à la Val Piriou – et l’incontournable des années 1980 à savoir le bomber, très féminisé pour l’occasion – épaules rondes, finesse des tissus accompagnants nonchalamment les courbes du corps. On découvre des pièces plus coutures également aux tracés impeccables, comme créées à partir d’un moule, constituant ainsi une ravissante déclinaison et une parfaite cohérence stylistique de la collection.
Quant à la mise en scène qu’il n’osait qu’à peine mettre en avant auparavant, elle est désormais assumée. Les corps expriment quelque chose de l’atmosphère Fournié, les bras sont tournés vers l’extérieur mais dans une position de complainte et de rigidité propre à la mélancolie. Les mannequins ne défilent pas, elles glissent lentement sur le sol, se laissant envahir par une certaine lenteur propre à la neurasthénie. Posture, démarche, maquillage, tout concoure à l’expression saturnienne de cette collection, de cette Maison, qui conserve une cohérence d’esprit autant que de style, de présentation en présentation.
Là où un timide pansement ornait le visage de certaines filles au défilé précédent, exaltant la fragilité du corps féminin, tout comme ses imperfections et sa vulnérabilité – bien que le choix des modèles alors ne semblant pas suivre cette cohérence d’une atmosphère inquiétante, le choix ayant été très classique – ici, ce sont des accents volontairement tragiques qui font figure : parmi ces accents le maquillage a importé considérablement : visage de noir et de blanc, halo de tristesse rappelant ce personnage de la mythologie européenne, Pierrot la Lune, innocent, pâle et mélancolique. La dramaturgie propre à chacun de ces éléments apparait particulièrement cohérente, bien maîtrisée, réussie même.
Là est la démonstration de ces interrogations récurrentes selon lesquelles il s’agirait de savoir si le vêtement ne suffit plus, ou non. A cela on peut avancer que le défilé n’est jamais une simple présentation de pièces, mais plutôt la représentation d’un esprit, d’un univers propre à une Maison, la distinguant en tâchant de laisser une empreinte pérenne dans l’esprit du contemplatif. Ce questionnement demeure crucial au XXIème siècle, il est à analyser fermement, et strictement ; le discours du couturier ou designer, selon le terme que ces derniers s’octroient, est souvent cardinal ; car l’idée qui émane de leurs choix discursif est plus forte que le descriptif simplement visuel, de ces halos et paumes de mains cendrées et tournées vers le ciel, à la manière d’une madone, ou de ces décors, aménagements de lieux, ou attitudes représentatives.
Galliano en a fait tout un art, de ces extravagances, corollaires de chaque collection. Sa théâtralité, parfois décriée – rappelons que Saint Laurent s’ulcérait de voir autant de déguisement travestir la couture – a conquis le public de cette fin XXème, rendant les rédactrices hystériques à l’idée de ne pas y faire acte de présence, et les publics envoûtés par tant de prodigalité dans la fantaisie. Suggérer un imaginaire, le pousser jusqu’à son paroxysme… Fournié s’inscrit dans la droite ligne des plus grands, et de ce qui se fait actuellement. Sa collection trouve ses sources au cœur du martyre et de la souffrance. Est-ce au vêtement d’exhorter le mal de sortir de la chair ? Pourquoi pas. La mode a toujours eu une place ambivalence dans la création, qualifiée tour à tour d’artisanat, d’art à proprement parler, d’art appliqués… On ne saurait trop dogmatiser, davantage encore dans une époque prônant la transversalité. Pour l’heure, le travail de Julien Fournié apparait très intéressant, encore un peu timide, et très jeune. Mais prometteur.
Julien Fournié Premiers Modèles Hiver 2009 from Julien Fournié on Vimeo.
Paris. Haute couture. Fall-winter 2010/2011 « The bitter standard. « Julien Fournié.
After working at Givenchy, Jean-Paul Gaultier or Torrente, Julien Fournié for his third show imposes his presence among the major fashion houses in Paris. The young Fournier is pleased to defend couture which is easy to carry. Last October, it already revealed silhouettes frails and gracefuls. Faithful to these « fragile and vulnerable women », he offers a considerable amount of work for a young house that has just emerged.
His identity is affirmed by the repetition of codes that were already present in the first two shows, interested in textures, chromaticity, plasticity of some pieces or even in ways in which silhouettes move once adorned with these clothes. Clothes that take the appearance of a second skin, adhering to the curves of the body without obstructing it, but rather reinforcing it here and there, replacing some anatomical elements: indeed, one of the dresses has this particularity that the nipple is sculpted in clothe, drawing the breast, revealing the intimacy.
The collection composed of raffia, feathers, chiffon, satin, organza, fur – for the most patents – serve velvety volumes of lightness. Skirts are asymmetrical, pants have the fluidity of sarouels, reinterpreted here, scabbards are skinny. We find the delicacy of the textile. Organzas, in flesh color, of the previous winter have been cindered with various tones. There are material constants of the first show of 2009 at this third show: fabrics are fluid and delicate, silk and leather intertwine, leather goes so far, adopting the delicacy of silk.
Variations: elements of modernity are emerging such as the zip – from Val Piriou – and the must-have of the 1980s, namely the bomber, very feminized for the occasion – with round shoulders, delicate fabrics accompanying nonchalantly curves of the body. We discover more seamed pieces also with impeccable tracks, as created from a mold, thus constituting a delightful declination and a perfect stylistic coherence of the collection.
As for the staging he hardly dared to put forth before, it’s now assumed. Bodies express something of the Fournié atmosphere, arms are turned outwards but in a position of lament and rigidity peculiar to melancholy. Models don’t parade, they slide slowly on the ground, allowing themselves to be invaded by some slowness proper to neurasthenia. Posture, gait, make-up, all contribute to the Saturnian expression of this collection, this House, which retains a coherence of mind as much as style, presentation to presentation.
Where a timid dressing adorned faces of some girls at the previous show, exalting fragility of female body, as well as its imperfections and vulnerability – although the choice of models then did not seem to follow this coherence in a disturbing atmosphere, a choice that has been very classical – here are deliberately tragic accents. Among these accents make-up has imported considerably: face of black and white, a halo of sadness recalling this character of European mythology, Pierrot la Lune, innocent, pale and melancholic. Dramaturgy proper to each of these elements appears particularly coherent, well controlled, even successful.
This is the demonstration of recurring questions that is a matter of knowing whether the garment is no longer sufficient or not. It may be argued that the show is never a simple presentation of clothes, but rather the representation of a spirit, a universe proper to a house, distinguishing it by striving to leave a lasting imprint in the spirit of contemplative. This questioning remains crucial in the 21st century, it must be analyzed firmly, and strictly. Words of the couturier (or designer, according to the term which the latter assumes), is often cardinal, since the idea that emanates from their discursive choices is stronger than the descriptive simply visual, of these halos and palms of hands ash and turned towards the sky, like a Madonna, or these decorations, or attitudes.
Galliano has made it an art, of these extravagances, in each of his collections. His theatricality, sometimes decried – remember that Saint Laurent was ecstatic to see so much disguise disguising couture – conquered the public of this late twentieth century, making hysterical fashion editors to the idea of not making an act of presence, and the audience bewitched by so much prodigality in fantasy. Suggesting an imaginary, pushing it to its climax … Fournié is in line with the biggest, and of what is being done. His collection finds inspiration in the heart of martyrdom and suffering. Is it to the garment to exhort evil to come out of the flesh? Why not. Fashion has always had an ambivalent place in creativity, described in turn as crafts, fine arts, design … We can’t too dogmatize, even more in an era advocating transversality. For the moment, the work of Julien Fournié appears very interesting, still a little shy, and very young. But promising.
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Fidèle à l’esprit du couturier défunt, pour ce printemps été 2016 Sarah Burton s’est attaché à cette histoire commune entre la France et l’Angleterre, celle de ces immigrés Huguenots fuyant à la hâte l’hexagone suite à la révocation de l’Edit de Nantes, et s’installant alors dans le Londres du XVIIème siècle.
Cette collection à l’empreinte historicisante apparait très éthérée ; les silhouettes sont graciles, les tons poudrés et les robes à la coupe victorienne ne font pas impasse sur de légers volants de dentelle et de tulle. Le maquillage, les accessoires se font également très discrets : le luxe est dans la légèreté.
Suivent des silhouettes moins virginales et plus fermement masculines : jeans et redingotes, les premiers ornés des fleurs qui parsemaient les jardins certes modestes mais dont les allées végétales étaient très appréciées. « Leurs jardins étaient de véritables joyaux dans ce qui était alors un Londres très pauvre. On les qualifiait de “Ligne de beauté”, car tout y était fait en forme de S », explique Sarah Burton.
Ces silhouettes donc, toujours aussi romantiques – mais d’un romantisme plus revendicatif, faisant irrémédiablement penser à la période révolutionnaire qui se construit alors en France, dévoilent ainsi des torses nus aux seins non apparents et aux chaines épaisses – comme une image de ces chaînes qu’il faudra bientôt briser, des redingotes militaires rouge sang, nombres de pantalons – dont les poches sont pleines de graines & de bulbes, s’apprêtant à ensemencer les jardins de l’East End – mais aussi de cuir léger comme de la soie mais pas pour autant moins solide.
« Je voulais que ce soit tangible et convaincant, féminin, mais aussi fragile et solide tout à la fois », selon S. Burton.
Peut-être là une analogie entre cette femme, cette immigrée ayant à repartir de zéro et tout reconstruire, dans une douleur toute romantique et nostalgique à la fois, un regard quelque peu dans le passé, un arrachement soudain et douloureux à une terre natale, et Burton, se voyant confier les rênes d’une maison dont le souvenir de son créateur est encore frais ; de ces années de succès avec Alexander Mcqueen, de ses propres débuts à la toute fin de ses études, auprès de son fondateur.
Faithful to the spirit of the late fashion designer, for this spring summer 2016 Sarah Burton focused on the common history between France and England. Indeed, Huguenot immigrants hastily fled the hexagon after the revocation of the Edict of Nantes, and then settled in the XVIIth century’s London.
This collection with historicizing footprint appears to be very ethereal; silhouettes are slenders, powdered colors and dresses in the Victorian section do not skip flying light lace and tulle. Makeup, accessories are also very discreet: luxury is in lightness.
Follow less virginal and more firmly masculine silhouettes: jeans and coats, the former – jeans – are decorated with flowers that few centuries ago, had embellished the admittedly small gardens. In this garden vegetable aisles were much appreciated. « Their gardens were real gems in what was a very poor London. They are described as « Beauty Line » because everything was made S-shaped « says Sarah Burton.
These figures therefore, always so romantic – but a more assertive romantic, hopelessly reminiscent of the revolutionary period that is built then in France, and reveals naked torsos with no apparent breasts and thick chains – such as a picture of these chains which are going to be broken soon, military coats with blood red, lots of trousers – whose pockets are full of seeds & bulbs, preparing to sow East End gardens – but also light leather like silk but not any less strong.
« I wanted it to be real and convincing, feminine, but also fragile and strong at the same time, » according to S. Burton.
Perhaps there is an analogy between this woman, this immigrant having to start from scratch and rebuild everything in a very romantic and nostalgic sorrow at once, a look somewhat in the past, a sudden and painful tearing from the homeland and Burton, seeing entrusted the reins of a McQueen, while the memory of its creator is still fresh; years of success with Alexander Mcqueen from his own debut to the end of his studies, always close to the founder.

















































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Il y a eu Martin Margiela, Jean Paul Gaultier et plus dernièrement Christophe Lemaire. Pour cette nouvelle collection, Hermès a fait appel à une inconnue : Nadège Vanhee-Cybulski. Une inconnue qui a fait le choix de s’inspirer de l’univers propre à la maison, l’univers équestre. Pas de grandes prises de risques donc, pour ce défilé qui de surcroit se tenait dans un des manèges de la Garde Républicaine, mais une réintégration des éléments clefs qui font l’identité Hermès.
La femme Hermès, telle que nous la propose Vanhee – Cybulski, est vêtue de cuir, principalement. Les bleus sont profonds, presque noir, les rouge bordeaux. Elle est vêtue de cuir mais ses jupes sont longueur genoux, les volumes des parkas relativement larges, les robes sont des pulls épais, les boutons des chemises sont fermés et les pantalons droits. Les derbys ont des boucles aux pieds, au cas où il faudrait monter à cheval. Pas de fioriture, la silhouette est stricte.
A l’image de la Maison Hermès, la collection est exigeante, sobre, et sûre. L’élégance est dans la découpe, dans le minimal, pas de superflu. Un peu masculin, l’accent est mis sur les découpes, le savoir – faire ; la cliente Hermès est tatillonne. Nadège Vanhee-Cybulski avant Hermès, c’était Margiela, Céline. Rien d’étonnant alors à ce qu’on retrouve dans cette collection une simplicité, une discrétion et un accent mis sur la mise en valeur du matériau. La fantaisie, on la retrouve dans ces bijoux « Harnais » dessinés par Pierre Hardy.
L’univers équestre donc, constitué de vestes aussi matelassées que des selles de chevaux, bandanas « éperon d’or » et couverture Rocabar, classique de la Maison. La nouveauté est dans ces couleurs proposées, parka en cuir rouge ou blouson jaune vif : de véritables monochromes à mettre en valeur – pas d’excès possible et donc pas de mélanges possibles – ou à porter en jouant sur les longueurs et superpositions.
Ici, c’est bel et bien le vêtement qui habille la femme. On retrouve ainsi les velours, laines, cuirs et fourrures de la saison froide ; mais aussi satin & coton, pour des pièces plus légères. Au demeurant, la peau n’est que peu visible. Vestes cintrées, longs manteaux, écharpes et ponchos, on est en hiver. On se couvre de la tête, aux pieds. Pas d’artifice ou de séduction, mais de l’utile. Une collection intemporelle, portable aisément d’une année sur l’autre. Du luxe oui mais commode et convenable.
« Convenance » serait probablement le maître mot de cette collection, qui se termine par un classique du genre récemment passé à la trappe : la robe de mariée. Ici elle apparait sobre : robe blanche bi-matière, légèrement évasée vers le bas. Le maquillage est nude et en guise de bijoux on trouve un triple collier fin au cou des jeunes modèles. Dans la stricte tradition de la Maison, NVC propose une collection digne de l’aura propre à Hermès : une qualité, un savoir – faire, un style qui se joue de la mode et s’inscrit dans l’atemporel.
Photos du défilé copyright Imaxtree.com
There was Martin Margiela, Jean Paul Gaultier and more recently Christophe Lemaire. For this new collection, Hermes turned to an unknown: Nadège Vanhee-Cybulski. An unknown who has chosen to build on the universe of Margiela, the equestrian world. No big risk taking so, for the show which moreover stood in one of the rides of the Republican Guard, but a reintegration of the key elements that make the Hermes identity.
The Hermes woman, as Vanhee – Cybulski is proposing, is dressed in leather, mainly. The blues are deep, almost black; reds are burgundy. She is dressed in leather but her skirts are knee length, parkas volumes relatively wide, dresses are thick sweaters, button shirts are closed and rights pants. The derbies have loops to toe, in case we needed to ride. No frills, the silhouette is strict.
Just like Hermès, the collection is demanding, simple, and secure. Elegance is in the cut, in the minimal, no frills. A few masculine, the focus is on the cuts, know – how; Hermes client is nitpicking. Nadège Vanhee-Cybulski before Hermes worked with Margiela, Celine. It is not surprising that we find in this collection simplicity, discretion and a focus on the development of the material. Fantasy, it is found in the « Harness » jewelry designed by Pierre Hardy.
The equestrian world, constituted with jackets as quilted as horse saddles, « golden spur » bandanas and ROCABAR cover, Hermes’s classics. Novelty is in the proposed colors, leather parka in red or bright yellow jacket: true monochrome to emphasize – not possible excesses and therefore no possible mixtures – or wear by adjusting the lengths and layering.
Here it’s the clothing that dresses the woman. We thus find the velvet, wool, leather and fur of the cold season; also satin & cotton, for lighter parts. Moreover, the skin is only slightly visible. Jackets sprung, long coats, scarves and ponchos, it is winter. We are covers from the head to the feet. No artifice or seduction, but usefulness. A timeless collection, easily wearable from a year to another. Luxury, but comfortable and convenient.
« Convenience » is probably the key word in this collection, which ends with a classic recently swept under the carpet: the wedding dress. Here it appears sober: white dress bi-material, slightly flared down. Makeup is nude and as jewelry there is a triple necklace end the necks of young models. In the strict tradition of the House, NVC offers a worthy collection of Hermes will own: quality, know – how, a style that plays with fashion and is part of timelessness.
Photos Backstage copyright Ulrich Knoblauch































