Dior Haute couture pour le printemps/ été 2011 : L’hommage de Galliano à Gruau – Dior Haute Couture for Spring/Summer 2011 : Galliano’s tribute to Gruau
Papiers
Lorsque Christian Dior décide de fonder sa Maison de couture, la France sort tout juste de la guerre, la population est encore soumise au rationnement et New-York a ravi à Paris le titre de capitale de la mode, son influence avec. En France, l’heure est à la reconquête d’un idéal national, entaché alors par l’occupation allemande et les multiples défaites et capitulations de l’armée.

Paris, centre névralgique de la mode, va reconquérir sa place de puissance culturelle grâce à une nouvelle génération de cinéastes (la Nouvelle Vague 1), d’artistes peintres (les Avant- Gardes 2) mais également de couturiers, parmi lesquels on compte bien sûr Dior mais aussi Balmain et Chanel.

L’Etat français contribue largement au renouveau de nombreuses Maisons de couture de 1952 à 1959, bien qu’économiquement la France ne soit pas encore remise sur pieds. Christian Dior va donc en profiter pour ouvrir des boutiques de prêt-à-porter à New York et à Londres, dans une stratégie de conquête internationale. La France avait toujours été connue pour son industrie du luxe, il s’agissait donc de renouer avec son passé.

C’est dans un pays en reconstruction que Dior va imposer un nouveau style et créer l’événement dès sa première présentation couture. En s’associant au dessinateur et affichiste René Gruau, il diffuse et imprime sa marque dans l’imaginaire français, notamment par la création du parfum Diorella. Les deux compères se sont connus au Figaro en 1930, lorsqu’ils étaient illustrateurs.

Christian Dior établit le style dit New-look, définit ainsi par une journaliste du Harper’s Bazaar américain, Carmel Snow 3, ce qui marquera le retour du rayonnement international du savoir-faire français. Il rompt avec l’idéal de la femme coco Chanel, qu’il qualifie de mode pratique, pas assez esthétique à son goût. Il peint une silhouette à nouveau corsetée, féminine et fatale, où les courbes sont désormais de rigueur. Son idéal était celui :

« de femmes-fleurs, aux épaules douces, aux bustes épanouis, aux tailles fines comme des lianes et aux jupes larges comme des corolles. »4

 

1 https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_2000_num_30_1_1478?q=nouvelle+vague

2 Serge Fauchereau, Avant-gardes du xxe siècle, arts et littérature, 1905-1930, Paris, Flammarion, 2016

3 Le monde de Carmel Snow, V&A Fashion Perspectives. V&A publishing, 2017.

4 Christian Dior pour les Actualités françaises, journal télévisé, 03 septembre 1953. Ina.

 

When Christian Dior decides to found his Fashion House, France is just emerging from the Second World War, the population is still subject to rationing and New York has stolen from Paris the title of fashion capital, its influence with it. In France, it was time to reclaim a national ideal, tainted at the time by the German occupation and the multiple defeats and capitulations of the army.

Paris, the nerve center of fashion, will regain its place as a cultural power thanks to a new generation of filmmakers (the New Wave 1), painters (the Avant-Gardes 2) but also fashion designers, among whom we count of course Dior but also Balmain and Chanel.

The French state largely contributed to the revival of many fashion houses from 1952 to 1959, although economically France was not yet back on its feet. Christian Dior will therefore take the opportunity to open ready-to-wear boutiques in New York and London, in a strategy of international conquest. France had always been known for its luxury industry, so it was time to reconnect with its past.

In a country undergoing reconstruction, Dior imposed a new style and created a stir from its first couture presentation. By teaming up with designer and poster designer René Gruau, he diffused and imprinted his mark on the French imagination, notably through the creation of the Diorella perfume. The two friends met at Le Figaro in 1930, when they were illustrators.

Christian Dior establishes the so-called New-look style, defined by a journalist from the American Harper’s Bazaar, Carmel Snow 3, which will mark the return of the international influence of French savoir-faire. He broke with the ideal of the Coco Chanel woman, which he described as practical fashion, not aesthetic enough for his taste. He paints a once again corseted, feminine and fatal silhouette, where curves are now coming back. His ideal was:

“flowers women, with soft shoulders, blooming busts, slender waists like lianas and wide skirts like corollas. »4

 

1 https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_2000_num_30_1_1478?q=nouvelle+vague

2 Serge Fauchereau, Avant-gardes of the 20th century, arts and literature, 1905-1930, Paris, Flammarion, 2016

3 The World of Carmel Snow, V&A Fashion Perspectives. V&A publishing, 2017.

4 Christian Dior for French News, television news, September 3, 1953. Ina.

Copyright at INA

Dans les illustrations de publicité conçues pour vanter les mérites de la Maison Dior, la femme dessinée par René Gruau supplante le vêtement, le flacon, et en exalte d’autant plus l’esprit malicieux. Ce n’est alors plus du matériel que l’on vend, mais une idée, un imaginaire. Et même lorsque la photographie se développe, éclipsant avec elle le dessin, Christian Dior reste fidèle aux illustrations de Gruau.

Les dessins de la fameuse veste Bar ou des premières lignes de cosmétiques participent toujours d’un imaginaire rêvé, d’une femme qui va bientôt accéder à un rang social plus égalitaire d’avec celui de l’homme, et cela, sans nier sa féminité, comme on a pu le lire dans le Deuxième sexe 5 de Simone de Beauvoir, où il s’agissait alors pour la femme de se faire homme pour devenir son égal, niant tout l’aspect essentiel du féminin.

Cette femme qui est encore sous la tutelle de l’homme, mari ou père, qui ne vote pas, ne possède pas de compte en banque, mais enfin, se prend à rêver de liberté. Sa silhouette, sa toilette, son attitude, sont celles d’un féminin assumé, ne demandant qu’à se libérer du carcan du foyer. Elle existe, et compte bien le démontrer, par des attitudes d’un sensualisme qui n’est plus réprimé, mais manifeste.

C’est en cela que cette association entre ces deux hommes aura tant marqué, par la modernité qu’ils ont su sublimer, celle d’une femme qui ne devient pas homme pour transcender sa condition, comme on peut le lire chez Simone de Beauvoir 6 ou le voir dans les silhouettes presque androgynes de Chanel. L’aventure n’aura duré que dix ans, Christian Dior ayant perdu la vie au cours d’une crise cardiaque survenue en Italie.

Pour l’heure, c’est assisté de Pierre Cardin que Christian Dior présente le 12 février 1947 dans un salon situé avenue Montaigne, sa première collection, composée de quatre-vingt-dix modèles. C’est grâce au soutien du financier Marcel Boussac 7 qu’il dévoile les lignes Corolle et 8, dont l’éponyme tailleur Bar composé d’une jupe longueur mi mollet et d’une veste à basque. Veste qualifiée de Bar car alors les femmes changeaient de vêtements plusieurs fois par jours. Ces créations étaient alors destinées à être portée en fin de journée pour boire des cocktails au bar.

Dans la vidéo de présentation des archives des Actualités françaises, outre le fait que l’on puisse se réjouir de découvrir ce que représentait un défilé à l’époque, et se plaire à le comparer aux shows plus récents de John Galliano, on découvre une présentation privée, mais télévisée, ce qui s’accorde au souhait de Dior d’ancrer son empreinte dans l’imaginaire de la mode à la française. Séduire oui, mais au-delà de la sphère bourgeoise. On ne vend pas que des vêtements, mais une façon de considérer le féminin. Et aussi des parfums.

 

5 « On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin. Seule la médiation d’autrui peut constituer un individu comme un Autre. » Le Deuxième sexe, p. 13 ; Simone de Beauvoir. Folio essais, 1986. De Beauvoir reprend à son compte une analyse du féminin quelque peu marxiste, comme résultant de l’asservissement et des rapports de force que l’on observe déjà dans les rapports de domination et d’exploitation entre capitalisme et classe ouvrière (ici, patriarcat et femmes). On pourra lui reprocher plus tard de nier l’essence même du féminin, du biologique, et de vouloir faire de la femme un homme comme les autres.

6 L’idée selon laquelle, la femme devrait devenir un homme comme les autres afin de se libérer de sa condition et accéder à l’égalité, apparaît essentialiste et nie quelque peu le biologique féminin ; en cela, elle en oublie le droit à la différence. De plus, nier ce biologique n’apparaît pas aller dans le sens d’un projet existentialiste. Pour aller plus loin, voir J. Kristeva, Beauvoir présente, Paris, Fayard, 2016, p. 7.

7 Benoît Collombat et David Servenay, Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, La Découverte, Paris, 2009, page 41.

 

In the advertising illustrations designed to extol the merits of the House of Dior, the woman drawn by René Gruau supplants cloths,  and all the more exalts the perfume’s mischievous spirit. It’s no longer material that is sold, but an idea, an imaginary. And even as photography is growing, eclipsing drawing with it, Christian Dior remained faithful to Gruau’s illustrations. 

Thus, the designs of the famous Bar jacket or the first lines of cosmetics are always part of a dreamlike imagination, of a woman who will soon reach a more egalitarian social rank with that of the man, and that, without denying her femininity, as we read in the Second sex 5 by Simone de Beauvoir, where women was doomed to become a man to become equal, denying all the essential aspect of the feminine. 

This woman is still under the supervision of the man, husband or father, she’s not allowed to vote, does not have a bank account, but finally, begins to dream of freedom. Her silhouette, her toilet, her attitude, are those of an assumed feminity, asking only to free herself from the shackles of the home. It exists, and intends to demonstrate it, through attitudes of a sensualism that is no longer repressed, but manifest. 

This association between these two men will have marked so much, by the modernity that they knew how to sublimate, that of a woman who does not become a man to transcend her condition, as we can read in Simone de Beauvoir 6 or see it in the almost androgynous silhouettes of Chanel. The adventure only lasted ten years, Christian Dior having lost his life during a heart attack in Italy.

But right then, assisted by Pierre Cardin, Christian Dior presented on February 12, 1947 in a salon located on avenue Montaigne, his first collection, of ninety models. This is thanks to the support of financier Marcel Boussac 7 that he unveiled the Corolle and 8 lines, including the eponymous Bar suit consisting of a mid-calf length skirt and a peplum jacket. Jacket qualified as Bar because then women changed clothes several times a day. These creations were then intended to be worn at the end of the day to drink cocktails at the bar.

In the presentation video from the archives of Actualités françaises, in addition to the fact that we can rejoice in discovering what a fashion show represented at the time, and enjoy comparing it to John Galliano’s more recent shows, we discover a private presentation, but televised, which accords with Dior’s desire to anchor its imprint in the imagination of French fashion. To seduce yes, but beyond the bourgeois sphere. We are not just selling clothes, but a way of considering the femininity. 

 

5 “We are not born a woman: we become one. No biological, psychic or economic destiny defines the figure that the human female takes on within society; it is the whole of civilization that develops this intermediate product between the male and the castrato that we qualify as femininity. Only the mediation of others can constitute an individual as an Other. The Second Sex, p. 13; Simone de Beauvoir. Folio essays, 1986. De Beauvoir takes up a somewhat Marxist analysis of the feminine, as resulting from the enslavement and power relations that we already observe in the relations of domination and exploitation between capitalism and working class (here, patriarchy and women). We could reproach her later to deny the very essence of the feminine, which is biological, and for wanting to transform women into men.

6 The idea that a woman should become a man like the others in order to free herself from her condition and gain access to equality appears essentialist and somewhat denies the biological femininity; in this, she forgets the right to be different. Moreover, denying this biological aspect does not seem to go in the direction of an existentialist project. To go further, see J. Kristeva, Beauvoir presents, Paris, Fayard, 2016, p. 7.

7 Benoît Collombat and David Servenay, Secret history of employers from 1945 to the present day, La Découverte, Paris, 2009, page 41.

Dans cette vidéo, le tout, est parfaitement bien orchestré, dévoilant les pièces de la ligne au fur et à mesure. Tout d’abord par le biais d’un plan en plongée au travers d’une rampe d’escalier à la Guimard 8, cadrant sur les chevilles des jeunes mannequins alors dénudées de quarante centimètres du sol, insistant ainsi sur la sensualité de la femme Dior, et le léger parfum de scandale qui s’en dégage, pour une longueur de jupe jugée plutôt indécente pour l’époque.

Toujours dans la vidéo des archives de l’Actualité française, on assiste alors à la visite de quatre mondaines chez une amie, au cours d’un après-midi, se préparant à une soirée de la haute société – ce qui permet soit dit en passant de découvrir plusieurs tenues différentes et donc, plusieurs modèles. Cette brève annonce se conclut comme elle a commencé, par la montée et la descente de l’escalier correspondant à l’entrée et à la sortie de scène.

Ce New Look, nom de la silhouette de parisiennes mondaines et élégantes, est caractérisé par une taille fine très marquée, une poitrine ronde et haute, des épaules douces et étroites, une silhouette de femme fatale qui tranche avec le look à la garçonne institué par Chanel quelques années auparavant. Style qui s’était construit au cours des années 1930/ 40, marquées par le rationnement et l’austérité, où les jupes étaient alors étroites, les corsets disparus, la poitrine, signe de l’abondance, cachés sous les tissus, peu généreuse voire plate, la silhouette longue et les épaules carrées. Dior écrit dans ses mémoires :

« Nous sortions d’une époque démunie, parcimonieuse, obsédée par les tickets de rationnement. Je voulais que mes robes fussent « construites », moulées sur les courbes du corps féminin dont elles styliseraient le galbe. J’accusais la taille, le volume des hanches, je mis en valeur la poitrine. Pour donner plus de tenue à mes modèles, je fis doubler presque tous les tissus de percale ou de taffetas, renouant ainsi avec une tradition depuis longtemps abandonnée ».9

Ce qui a pu scandaliser d »ailleurs, aux vues de la proportion de tissu utilisée pour chaque pièce et du gâchis que cela représentait pour certains, alors que le rationnement était encore en vigueur en France. Lors de séances photos rue Lepic à Paris, certaines mannequins devinrent la cible d’insulte et même d’agressions par des parisiennes scandalisées de ces métrages 10.

 

8 Hervé Guimard, architecte français, à l’origine du style parisien Art Nouveau, qui orne façades de la ville, bouches de métro et intérieurs.

9 Christian Dior & moi, Christian Dior. Vuibert, 2011.

10 https://balises.bpi.fr/la-haute-couture-selon-christian-dior/

 

Everything is perfectly orchestrated, revealing the pieces of the line as it goes. All first  from above, through a staircase à la Guimard 8, framing on the ankles of the young models, stripped 40 cm from the ground, thus insisting on the sensuality of the Dior woman, and the slight scent of scandal that emanates from it, for a length of skirt considered rather indecent for the time.

Also in the video from the archives of French News, we then witness the visit of four socialites to a friend’s house, during an afternoon, preparing for a high society evening – which incidentally allows you to discover several different outfits and therefore several models. This brief announcement ends as it began, with the ascent and descent of the stairs corresponding to the entrance and exit from the stage.

This New Look, name of the silhouette of worldly and elegant Parisian women, is characterized by a very marked thin waist, a round and high chest, soft and narrow shoulders, a silhouette of a femme fatale which contrasts with the boyish look instituted by Chanel a few years ago. Style that was built during the 1930s / 40s, marked by rationing and austerity, where the skirts were then narrow, the corsets disappeared, the chest, a sign of abundance, hidden under the fabrics, not very generous even flat, long silhouette and square shoulders.

Dior writes in his memoirs: “We came out of an era of poverty, parsimoniousness, obsessed with ration tickets. I wanted my dresses to be « constructed », molded on the curves of the female body whose shape they would stylize. I accused the size, the volume of the hips, I highlighted the chest. To give my models more hold, I had almost all the fabrics lined with percale or taffeta, thus reconnecting with a long-abandoned tradition”.9

Which may have been scandalous, given the proportion of fabric used for each piece and the waste that this represented for some, while rationing was still in force in France. During photo shoots rue Lepic in Paris, some models became the target of insult and even attacks by Parisian women scandalized by these films 10.

 

8 Hervé Guimard, French architect, at the origin of the Parisian Art Nouveau style, which adorns the facades of the city, metro entrances and interiors.

9 Christian Dior & me, Christian Dior. Vuibert, 2011.

10 https://balises.bpi.fr/la-haute-couture-selon-christian-dior/

Après une énième Guerre Mondiale, où dominait l’uniforme, Dior imagine un retour aux rondeurs, au luxe et à l’opulence, son New-look et sa femme- fleur vont s’imposer. La silhouette Dior, ce sont donc des robes bustiers, des volumes larges, une taille très marquée, beaucoup de tissu, (quarante mètres de circonférence pour le modèle phare Diorama) d’épaisseur, de féminité, de couleurs franches et affirmées.

Silhouette que l’on retrouve chez Dior par Galliano pour le printemps été 2011 et qui est d’ailleurs perpétuellement réinterprétée par les couturiers au service de la Maison : Marc Bohan en 1987, John Galliano en 2009, Bill Gaytten en 2011 après le départ de Galliano, ou plus récemment Raf Simons en 2012.

L’idée est pour Dior de mettre en valeur les parties rondes du corps féminin (épaule, poitrine, hanche). Exaltant le savoir-faire à la française, on invente par la même occasion le détail-couture (pinces, incrustations, drapés, nœuds, revers…), sur des robes à la construction rigoureuse, architecturale, nécessitant un certain port de tête. L’allure constitue alors le je ne sais quoi qui imprègne les esprits d’une sensation impérissable.

René Gruau a, selon John Galliano, capturé le style et l’esprit Dior, tout en mouvements, avec la représentation d’une Parisienne chic, servant d’étendard au New-Look, aux couleurs qui définiront la femme fatale par excellence : le rouge, le noir et le blanc.

« Cette collection a été inspirée par la merveilleuse et longue complicité entre Christian Dior et l’illustrateur René Gruau. Dior lui avait donné carte blanche pour interpréter son travail, sa ligne et cette silhouette qui l’aida à définir le New-Look. J’ai fouillé dans les archives de René, tant j’aime la qualité de ses illustrations et sa manière de détourer ses personnages. Le sujet semble jaillir de la page. Quand vous avez la chance de regarder ses dessins de près, vous voyez avec quelle complexité les couleurs sont appliquées. Parfois, juste pour réaliser un noir, il faut peut-être cinq couleurs. L’ensemble est un hymne à la maîtrise du trait, à la complexité architecturale, à cette quête de beauté chère à l’illustrateur et au couturier. »11

Codes que Galliano a su réinventer à la fois avec audace et respect de l’atmosphère fin de guerre. Il présente début 2011 une collection haute couture — sa dernière — en hommage aux effets ombrés, contrastés et couleurs en clair-obscur, au trait noir et épais qui cerne la silhouette des débuts de la Maison, reprise et diffusée par les illustrations de Gruau.

 

11 John Galliano, en backstage du défilé Dior haute couture pour le printemps/ été 2011.

 

 After another World War, where the uniform dominated, Dior imagined a return to curves, luxury and opulence, its New-look and its flower- woman will impose themselves. The Dior silhouette is therefore bustier dresses, large volumes, a very marked waist, lots of fabrics (forty meters in circumference for the Diorama flagship model) thickness, femininity, frank and assertive colors.

A silhouette that can be found at Dior by Galliano for spring summer 2011 and which is constantly reinterpreted by the fashion designers working for the House: Marc Bohan in 1987, John Galliano in 2009, Bill Gaytten in 2011 after the departure of Galliano, or more recently Raf Simons in 2012.

The idea is for Dior to highlight the round parts of the female body (shoulder, chest, hip). Exalting French savoir-faire, at the same time we invented tailoring details (darts, inlays, drapes, knots, lapels, etc.), on dresses with rigorous, architectural construction, requiring a certain amount of head carriage. The pace then constitutes the je ne sais quoi that imbues the minds with an imperishable sensation.

René Gruau has, according to John Galliano, captured the Dior style and spirit, all in movement, with the representation of a chic Parisian woman, serving as a standard for the New-Look, in colors that will define the femme fatale par excellence : red, black and white.

“This collection was inspired by the marvelous and long complicity between Christian Dior and the illustrator René Gruau. Dior had given him carte blanche to interpret his work, his line and this silhouette which helped him to define the New-Look. I searched through René’s archives, so much do I like the quality of his illustrations and his way of outlining his characters. The subject seems to spring from the page. When you have the chance to look closely at his designs, you see how intricately the colors are applied. Sometimes, just to achieve a black, it takes maybe five colors. The whole is a hymn to mastery of line, to architectural complexity, to this quest for beauty dear to the illustrator and the couturier. »11

Codes that Galliano knew how to reinvent both with audacity and respect for the end-of-war atmosphere. At the start of 2011, he presented a haute couture collection — his last — in homage to shaded effects, contrasting colors and chiaroscuro, with a thick black line that defines the silhouette of the early days of the House, taken up and diffused by the illustrations of Gruau.

 

11 John Galliano, backstage at the Dior haute couture spring/summer 2011 show.

Comme toujours, le show Dior par Galliano a quelque chose de théâtral, à la fois dramatique et très narratif. Le couturier anglo-saxon rend hommage à l’illustrateur René Gruau, dont les dessins aux traits précis et spontanés, sont ceux qui ont le plus souvent illustré le courant New Look emblématique de la Maison Dior.

Mais puisqu’il s’agit d’un défilé Haute Couture, les références à cette silhouette marquée à la taille par une veste cintrée et une jupe corolle, sont traitées de manière hyperbolique. On accentue les volumes, les attitudes, les épaisseurs de tissus, les couleurs.

Ainsi, pour l’été 2011, Galliano a misé sur la couleur, étirée sur le vêtement à la manière d’une gouache sur une feuille de papier. On retrouve donc des dégradés de rouge ou encore de violine à la verticale, et à l’horizontale, sur des volumes aux arrondis généreux, aux tissus abondants et fort bien maitrisés.

La jupe se porte sous le genou, à la manière des femmes des années 1940. Et lorsqu’elle arbore un volume conséquent, sur certaines silhouettes, elle a quelque chose d’à la fois rigide et léger. Un travail aérien consolidé par le choix des matières (tulles, soies).

Les robes aux couleurs franches se parent d’un halo de tulle noir, comme si le contour avait été dessiné au fusain par René Gruau lui-même. En version haute couture, la silhouette New-Look est marquée à la taille d’une ceinture en croco, se pare de couleurs intenses rappelant les imprimés façon trait de crayon noir, illuminé de paillettes donnant du relief et du volume aux robes. Les visages des mannequins sont redessinés à la manière des illustrations de Gruau : lèvres laqués de rouge, sourcils redessinés, pointilleux, longs et opiniâtres, chignons et teint d’albâtre.

 

As always, there is something theatrical about the Dior show by Galliano, both dramatic and very narrative. The Anglo-Saxon couturier pays homage to the illustrator René Gruau, whose precise and spontaneous line drawings are the ones that have most often illustrated the emblematic New Look movement of the House of Dior.

But since this is a Haute Couture show, the references to this silhouette marked at the waist by a fitted jacket and a corolla skirt, are treated in a hyperbolic way. We accentuate volumes, attitudes, thicknesses of the fabrics and colors.

Thus, for summer 2011, Galliano bet on color, stretched over the garment like a gouache on a sheet of paper. We therefore find gradients of red or even purple vertically and horizontally, on generously rounded volumes, with abundant and very well controlled fabrics.

The skirt is worn below the knee, like women in the 1940s. And when it sports a substantial volume, on certain silhouettes, it has something as both rigid and light. Aerial work consolidated by the choice of materials (tulle, silk).

The boldly colored dresses are adorned with a halo of black tulle, as if the outline had been drawn in charcoal by René Gruau himself. In the haute couture version, the New-Look silhouette is marked at the waist with a croco belt, adorned with intense colors reminiscent of black pencil line prints, illuminated with sequins giving relief and volume to the dresses. The faces of the models are redrawn in the style of Gruau’s illustrations: lips lacquered in red, eyebrows redrawn, fussy, long and obstinate, chignons and complexion of alabaster.

Les superpositions de voiles et de tulles et les fondus de couleurs, dessinent une silhouette aux contours vaporeux, comme une esquisse. Le New-Look revit jusque dans l’attitude des mannequins, qui décomposent leur démarche et poses comme des femmes d’opéras, une main sur l’épaule et le visage en biais, expressif, devant les photographes. Les silhouettes se terminent d’une coiffe plume en forme de trait de crayon, signées du chapelier anglais Stephen Jones.

Un hommage exceptionnel à l’essence de la maison Dior, qui va plus loin que les hautes sphères de la couture, et fait écho à une tendance qui gagne de plus en plus de terrain: celle du retour à la féminité assumée, suggérée plus qu’exhibée, notamment par le biais du dessin de la taille, féminine et à la fois fine et marquée, du travail des tissus aérien mais abondant, une silhouette furtive que l’on a pu découvrir notamment dans la série à succès Mad Men. Un retour vers un féminin plus franc.

« En apparence, le travail de Gruau semble accompli sans effort, mais en réalité, il est fait avec détermination et autorité. Pour moi, c’est une bible ! Vous savez que j’ai failli devenir illustrateur… Là où se trouve la lumière, j’utilise par exemple un rouge, et là où s’inscrit l’ombre, des superpositions de tulle dessinent les passages. L’ensemble recrée le style de l’illustration de René Gruau. Lors du show, on a pu voir des ombres portées rouges comme dans certains de ses dessins. Les broderies évoquent ces touches au pinceau avec lesquelles il pouvait achever, d’une façon presque ébauchée, le dessin d’une jupe. Elles font écho aux codes de la Maison mais sont totalement contemporaines, parce que, en évoquant ce rythme du trait propre à René Gruau, elles illustrent une nouvelle façon de les travailler. »12

 

12 Ibid.

Photographies Dior Haute couture pour le printemps/ été 2011 copyright Imaxtree

Illustrations Dior par René Gruau copyright http://www.renegruau.com/ officiel

Vidéo des Actualités françaises copyright Ina

 

Layers of veils and tulles and faded colors draw a silhouette with vaporous contours, like a sketch. The New-Look lives on even in the attitude of the models, who break down their gait and pose like opera women, one hand on the shoulder and their faces oblique, expressive, in front of the photographers. The silhouettes end with a feather headdress in the shape of a pencil line, signed by the English hatter Stephen Jones.

An exceptional tribute to the essence of the house of Dior, which goes beyond the high spheres of couture, and echoes a trend that is gaining more and more ground: that of the return to assumed femininity, suggested more than exhibited, in particular through the design of the female waist both thin and marked, the work of airy but abundant fabrics, a furtive silhouette that we have been able to discover in particular in the hit series Mad Men. A return to a franck femininity.

“On the surface, Gruau’s work seems effortless, but in reality, it is done with determination and authority. For me, it’s a bible! You know that I almost became an illustrator… Where the light is, I use red, for example, and where the shadow is, layers of tulle draw the passages. The set recreates the style of illustration by René Gruau. During the show, we could see red shadows like in some of his drawings. The embroideries evoke those brushstrokes with which he could complete, almost sketchily, the design of a skirt. They echo the codes of the House but are completely contemporary, because, by evoking this rhythm of line specific to René Gruau, they illustrate a new way to work them. »12

 

12 Ibid.


Dior Haute couture photographs for Spring/Summer 2011 copyright Imaxtree

Dior illustrations by René Gruau copyright http://www.renegruau.com/ officiel

French News video copyright Ina